Voyant ces monts de veue ainsi loingtaine
Voyant ces monts de veue ainsi lointaine
Je les compare à mon long desplaisir.
Haut est leur chef, et hault est mon desir,
Leur pied est ferme et ma foy est certaine.D’eux mainct ruisseau coule et mainte fontaine,
De mes deux yeulx sortent pleurs à loisir ;
De forts souspirs ne me puis dessaisir,
Et de grands vents leur cime est toute plaine.Mille troupeaux s’y promènent et paissent,
Autant d’amours se couvent et renaissent ;
Dedans mon coeur, qui seul est leur pasture.Ils sont sans fruict, mon bien n’est qu’apparence,
Et d’eulx à moy n’a qu’une difference,
Qu’en eux la neige, en moy la flamme dure.
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Mellin de Saint-Gelais (ou Melin de Saint-Gelays ou de Sainct-Gelais), né à Angoulême vers 1491 et mort à Paris en octobre 1558, est un poète français de la Renaissance, qui eut les faveurs de François 1er. Il était fort probablement le fils naturel de Jean de Saint-Gelais, marquis de Montlieu, qui appartenait à la petite... [Lire la suite]
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Manoir de Piaf-Tonnerre
___________________
Un beau manoir, une contrée lointaine,
Sans nulle peine et sans nul déplaisir ;
En abritant ses modestes désirs,
L’oiseau savoure une joie incertaine :
Au vert jardin se trouve une fontaine,
Quelques poissons y prennent leur plaisir ;
D’icelui, nul ne les peut dessaisir,
Car de douceur leur âme est toute pleine.
Aux noirs corbeaux est donnée la pâture,
Le seigneur a chez lui sa nourriture,
Et tout cela sans effort apparent.
Ce vieux logis, qui fut à ses parents
Semble habité d’un bonheur transparent,
Loin de travail et de littérature.
Manoir suspendu
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Il peut voler vers les terres lointaines,
Le roi d’Espagne en a du déplaisir ;
Ses habitants n’ont guère de désirs,
Ils sont heureux dans la nef incertaine.
C’est l’eau du ciel qui leur sert de fontaine,
Elle se change en vin, pour leur plaisir ;
De leur manoir, qui peut les dessaisir,
Ou du trésor, ou des barriques pleines ?
Beaucoup plus bas sont les vertes pâtures,
C’est peu fréquent qu’ils ne s’y aventurent,
Mais le sol ferme, ils le trouvent marrant.
Ils sont volants, comme leurs grands-parents,
Ces habitants d’un monde transparent ;
Étranges sont les lois de la Nature.
Démon des monts
--------
J’ai pour royaume une pente lointaine,
Je ne fais rien, je dévore à loisir ;
Mon coeur qui s’use a de moindres désirs,
Mon souffle est court, ma vie est incertaine.
L’eau d’un glacier me tient lieu de fontaine,
Dont la fraîcheur me donne du plaisir ;
Un sommelier ne saurait mieux choisir,
Cette boisson vaut celles de la plaine.
Près des sommets sont d’étranges pâtures,
Peu d’animaux à brouter s’aventurent ;
Ceux qui le font sont mes proches parents.
C’est surprenant, ce n’est pas effarant,
La neige est pure et l’air est transparent ;
Qui donc pourrait en faire la peinture ?
Pavillon discret
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C’est un bien modeste domaine,
Lieu d’écriture et de loisir ;
Y vivent, selon leur désir,
Des exilés de cours lointaines.
Dans le jardin sont des fontaines
Qui des oiseaux font le plaisir ;
Ils sont nombreux à les choisir,
Ceux des monts et ceux de la plaine.
Ici, nul bruit, nulle aventure,
Des meubles de bonne facture
Qui nous viennent de nos parents.
Pas de cauchemars effarants
Ni aucun désordre apparent ;
Excellente villégiature !
Cloche lointaine
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Je sonne et tu m’entends à peine,
Trop absorbé par tes loisirs;
Tu n’as certes pas le désir
D’entendre une cloche lointaine.
Près de l’église, une fontaine
Offre son eau, c’est un plaisir ;
Mais d’autres buveurs vont choisir
Un estaminet dans la plaine.
Moi qui suis de bonne facture,
J’improvise, je m’aventure,
Ça passe le temps, c’est marrant.
Tu n’entends rien, c’est effarant,
Tu n’es qu’un spectre délirant ;
Tant pis, si telle est ta nature.