Vitam impendere amori
L’amour est mort entre tes bras
Te souviens-tu de sa rencontre
Il est mort tu la referas
Il s’en revient à ta rencontreEncore un printemps de passé
Je songe à ce qu’il eut de tendre
Adieu saison qui finissez
Vous nous reviendrez aussi tendreDans le crépuscule fané
Où plusieurs amours se bousculent
Ton souvenir gît enchaîné
Loin de nos ombres qui reculentÔ mains qu’enchaîne la mémoire
Et brûlantes comme un bûcher
Où le dernier des phénix noire
Perfection vient se jucherLa chaîne s’use maille à maille
Ton souvenir riant de nous
S’enfuir l’entends-tu qui nous raille
Et je retombe à tes genouxTu n’as pas surpris mon secret
Déjà le cortège s’avance
Mais il nous reste le regret
De n’être pas de connivenceLa rose flotte au fil de l’eau
Les masques ont passé par bandes
Il tremble en moi comme un grelot
Ce lourd secret que tu quémandesLe soir tombe et dans le jardin
Elles racontent des histoires
À la nuit qui non sans dédain
Répand leurs chevelures noiresPetits enfants petits enfants
Vos ailes se sont envolées
Mais rose toi qui te défends
Perds tes odeurs inégaléesCar voici l’heure du larcin
De plumes de fleurs et de tresses
Cueillez le jet d’eau du bassin
Dont les roses sont les maîtressesTu descendais dans l’eau si claire
Je me noyais dans ton regard
Le soldat passe elle se penche
Se détourne et casse une brancheTu flottes sur l’onde nocturne
La flamme est mon cœur renversé
Couleur de l’écaille du peigne
Que reflète l’eau qui te baigneÔ ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçonLe paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Un clown est l’unique passantUn froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souriLa vitre du cadre est brisée
Un air qu’on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenirÔ ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison
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Guillaume APOLLINAIRE
Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Wilhelm Albert Włodzimierz Apolinary de Wąż-Kostrowicki, est un écrivain français (né polonais, sujet de l’Empire russe), né le 26 août 1880 à Rome et mort le 9 novembre 1918 à Paris. C’est l’un des plus grands poètes français du début du XXe siècle, auteur notamment... [Lire la suite]
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Maîtresse des hérissons
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Au fond d’un univers fané,
Dix-sept hérissons se bousculent ;
Leur président gît enchaîné
Au mitard, où l’air mal circule.
-- Président d’illustre mémoire,
Ne craignez-vous point le bûcher ?
-- Me sauvera la stryge noire
Qui sur le toit vient se jucher ;
Elle rongera maille à maille
Chaîne et boulet, de bout en bout,
Cette maîtresse qui se raille
Du tribunal à quatre sous.