Versailles
Versailles, tu n’es plus qu’un spectre de cité ;
Comme Venise au fond de son Adriatique,
Tu traînes lentement ton corps paralytique,
Chancelant sous le poids de ton manteau sculpté.Quel appauvrissement ! quelle caducité !
Tu n’es que surannée et tu n’es pas antique,
Et nulle herbe pieuse au long de ton portique
Ne grimpe pour voiler ta pâle nudité.Comme une délaissée, à l’écart, sous ton arbre,
Sur ton sein douloureux croisant tes bras de marbre,
Tu guettes le retour de ton royal amant.Le rival du soleil dort sous son monument ;
Les eaux de tes jardins à jamais se sont tues,
Et tu n’auras bientôt qu’un peuple de statues.
1837
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Théophile GAUTIER
Pierre Jules Théophile Gautier est un poète, romancier, peintre et critique d’art français, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872 à 61 ans. Né à Tarbes le 30 août 1811, le tout jeune Théophile garde longtemps « le souvenir des montagnes bleues ». Il a trois ans lorsque sa famille... [Lire la suite]
Les parcs et les châteaux peuvent ressusciter.
Sitôt que le passant les trouve sympathiques,
On en reconstitue les gazons, les portiques
Et les chemins bordés de beaux portraits sculptés.
*
Des visiteurs venus d'innombrables cités,
Les gens de l'Outre-Manche et de l'Outre-Atlantique,
Et ceux des bords du Rhin et de l'Adriatique
Viennent en rangs serrés pour voir et visiter.
*
Une foule joyeuse, à l'ombre de tes arbres
Écoute la chanson des fontaines de marbre ;
Plus d'une belle femme y conduit son amant.
*
Même si ce pays a d'autres monuments,
Ta gloire et ton renom toujours se perpétuent,
Et nous aimons flâner sous l'oeil de tes statues.
Dieu des péristyles
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Ils me portent leurs morts pour les ressusciter,
Car leurs prêtres, vois-tu, me trouvent sympathique ;
Ils viennent m’adorer sous de vastes portiques,
Les plus beaux sont ornés de mon portrait sculpté.
Moi, je n’apprécie point leurs grouillantes cités,
Car je me sentais mieux dans les temples antiques ;
J’aimais entendre là des rumeurs prophétiques
Et les cris des démons, que je sais imiter.
J’aimais aussi le chant des dryades des arbres,
Ou le bruit d’un outil qui entame le marbre ;
J’abritais volontiers les baisers des amants.
Maintenant je m’ennuie dans mon froid monument,
Je pense que mon culte en vain se perpétue ;
Périssent-ils, ces gueux ? car sinon, je les tue.