Vague et noyée …
Vague et noyée au fond du brouillard hiémal,
Mon âme est un manoir dont les vitres sont closes,
Ce soir, l’ennui visqueux suinte au long des choses,
Et je titube au mur obscur de l’animal.Ma pensée ivre, avec ses retours obsédants
S’affole et tombe ainsi qu’une danseuse soûle ;
Et je sens plus amer, à regarder la foule,
Le dégoût d’exister qui me remonte aux dents.Un lugubre hibou tournoie en mon front vide ;
Mon coeur sous les rameaux d’un silence torpide
S’endort comme un marais violâtre et fiévreux.Et toujours, à travers mes yeux, vitres bizarres,
Je vois – vers l’Orient étouffant et cuivreux -
Des cités d’or nager dans des couchants barbares.
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Albert SAMAIN
Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français. Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce. Vers 1880, il fut envoyé à Paris, où il décida de rester.... [Lire la suite]
Sagesse du pigeon
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Je vis comme je peux, je ne m’en sors pas mal,
Je sais depuis longtemps que la vie n’est pas rose ;
Je suis un fier pigeon, je fais la part des choses
Et je suis, somme toute, un vaillant animal.
Manger n’importe quoi, je trouve ça normal,
Surtout quelques débris qui sur le sol reposent ;
Un peu moins ces jours-ci, l’hiver en est la cause,
Mais je supporte bien ce menu minimal.
Mon âme a ses secrets, mon esprit n’est pas vide,
Je ne suis plus de ceux qui d’amour sont avides ;
Mon coeur dans le passé n’en fut pas moins fiévreux.
J’ai fait, ces derniers temps, quelques rêves bizarres
Où je marchais sans fin dans un pays givreux
Pour essayer d’atteindre un village barbare.
Oiseau de Lilith
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Je suis l’oiseau du bien, je sus l’oiseau du mal
Et l’oiseau du serpent et l’oiseau de la rose ;
Ma maîtresse Lilith m’apprit beaucoup de choses,
Elle qui est experte en bien-être animal.
Adam ne m’aime point, c’est tout à fait normal,
Ma présence le gêne et mon chant l’indispose ;
Mais défendre Lilith est une juste cause,
Ainsi que l’écrivit Maître René Daumal.
On me dit que demain ce jardin sera vide,
Pour le plus grand plaisir des tentateurs avides ;
Un prophète savant l’écrivit en hébreu.
Que vont-ils devenir, ces primates bizarres ?
Ça pourrait se corser quand ils seront nombreux ;
Après notre Âge d’Or, viennent les temps barbares.