Un temple dans l’ouïe
Lors s’éleva un arbre.
O pure élévation ! O c’est Orphée qui chante !
O grand arbre en l’oreille ! Et tout se tut.
Mais cependant ce tu lui-même
fut commencement neuf, signe et métamorphose.De la claire forêt comme dissoute advinrent
hors du gîte et du nid des bêtes de silence;
et lors il s’avéra que c’était non la ruse
et non la peur qui les rendaient si silencieuses,mais l’écoute. En leurs coeurs, rugir, hurler, bramer
parut petit. Et là où n’existait qu’à peine
une cabane, afin d’accueillir cette chose,un pauvre abri dû au désir le plus obscur,
avec une entrée aux chambranles tout branlants,
tu leur fis naître alors des temples dans l’ouïe.
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Rainer Maria RILKE
Rainer Maria Rilke (de son nom patronymique René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke) est un écrivain autrichien, né le 4 décembre 1875 à Prague, mort le 30 décembre 1926 à Montreux, en Suisse. Il vécut à Veyras de 1921 à sa mort. Il est surtout connu comme poète, bien qu’il ait également écrit un roman, « Les... [Lire la suite]
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- Pomme ronde… (5)
- Bouche de la fontaine (5)
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- La biche (4)
- Vois-tu, là-haut, ces alpages des anges... (4)
- Ange, est-ce une plainte ? Ai-je l'air de me... (4)
Arbre d’Orphée
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Un arbre s’éleva, d’un élan rigoureux,
En entendant ta voix, Orphée, venant de Grèce ;
Tes doigts sur l’instrument dansaient avec adresse
Au rythme régulier de ton chant langoureux.
Une biche attentive, aux grands yeux amoureux,
Oublia le grand cerf dont elle fut maîtresse ;
Les animaux du bois furent pleins d’allégresse
En écoutant ce son qui les rendait heureux.
Toi qui pourrais charmer le soleil, les planètes
Et les démons du ciel, ces lanceurs de comètes,
Tu es de l’univers le meilleur musicien.
Comme elle songe à toi, l’Aphrodite marine
Qui voudrait te serrer sur sa douce poitrine
Et qui depuis longtemps te reconnaît pour sien !
Temple du serpent
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Est-il lui-même un dieu, l’animal doucereux
Dont en un temple obscur la colonne se dresse ?
Ainsi qu’un vrai prophète, il parle avec adresse,
Il vante le bel arbre et son fruit savoureux.
A-t-il connu Lilith, en fut-il amoureux,
Ou bien s’amuse-t-il avec d’autres maîtresses ?
Pour ce rusé trompeur, vainqueur sans allégresse,
Un temple fut bâti par quelques malheureux.
Peut-être il leur dira les lois de la planète,
Les subtils changements qu’annoncent les comètes,
Cet esprit malfaisant, ce serpent magicien.
Dans l’Eden de Vénus mûrit la mandarine
Pour tenter l’autre Dame, et cela nous chagrine ;
Le reptile accomplit ce destin, c’est le sien.
Temple au fond de la friche
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Ici nulle trace d’allées,
Jamais de jardinier ici ;
J’aime que l’endroit soit ainsi,
Comme une sauvage vallée.
Une cabane bricolée
Trône au fond de ce ramassis ;
Et c’est un sanctuaire aussi,
Pour la dryade inconsolée.
Elle qui perdit sa beauté
Et se morfond en chasteté,
Cet abri précaire est son temple.
Elle découvre les vertus
D’une âme où le désir s’est tu ;
D’Artémis elle suit l’exemple.
Temple pauvre
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Ici, rien de mirobolant,
Pas de vitraux et pas d’icônes ;
Pas de Créateur sur son trône,
Pas d’encensoir aux fiers relents.
Je vois un démon corpulent
Qui n’a point la grâce d’un faune ;
Il porte une soutane jaune
Et longe les murs, à pas lents.
Qui prend soin de cette chapelle ?
Un gars qui fuit quand on l’appelle,
Un boit-sans-soif, un scélérat.
Sur l’autel, quatre fleurs fanées ;
Les a jadis abandonnées
Celle qui point ne reviendra.
Temple vermoulu
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Ici le temps va s’écoulant,
Lui qu peut ternir les icônes ;
Le Seigneur vieillit sur son trône,
Toujours plus rarement parlant.
Je vois les démons pullulants,
C’est une lamentable faune ;
Cet endroit devient une zone
Abritant d’assez mauvais plans.
Un démon, je te le rappelle,
N’est autre qu’un ange rebelle ;
Dieu, peut-être, le sauvera.
Ainsi passeront mille années,
Au déclin toujours condamnées :
Malgré ça, notre espoir vivra.
La religion
Il m'a fallu des années, et c'est long
Pour ôter de moi toute religion
Ce que c'est quand même que les habitudes
Et la trouille
Peur de déplaire à sa famille, peur
Déjà de supporter sa dernière heure
Sans qu'aucun espoir d'un monde meilleur
Ne gazouille
Enfin, j'en suis sorti et c'est tant mieux
Mais voilà que mon fils ouvre les yeux
Ne demandant qu'à croire aux merveilleux évangiles
Qu'il me pardonne de lui dégonfler
Son Superman pour bande dessinée
Faudra vivre sans lui, tant pis si c'est moins facile
Des Jésus, depuis le début des temps
Il y en eut plus d'un, heureusement
À vouloir nous sortir de notre banc de galère
À prêcher l'amour, à prêcher la foi
Par des miracles, épater le bourgeois
Et alors, je ne vois là rien d'extraordinaire
Il guérissait les malades, et puis quoi
Des guérisseurs, j'en connais deux ou trois
Dont la mère n'était pourtant pas immaculée
Ton Jésus, range-le chez les héros
Admire-le sans chanter de credo
Et des Églises, ne va pas croire aux contes de fées
Et puis quand tu seras sorti de là
Ne tombe pas de Charybde en Scylla
Tu sais, tous les prêtres ne donnent pas le baptême
Il y en a qui hurlent "Garde à vous"
D'autres "Prolétaires, unissez-vous"
Mais regarde-les de près, ce sont tous les mêmes
Des gens qui veulent t'apprendre à penser
Rien que par réflexe conditionné
À marcher au pas en brandissant des emblèmes
Méfie-toi des rouges, des blancs et des noirs
Ne cotise pas chez les marchands d'espoir
Vis ta vie tout seul, écris ton histoire
Toi-même
Jacques Debronckart
...et tellement vrai....