Poème 'Un temple dans l’ouïe' de Rainer Maria RILKE dans 'Sonnets à Orphée'

Un temple dans l’ouïe

Rainer Maria RILKE
Recueil : "Sonnets à Orphée"

Lors s’éleva un arbre.
O pure élévation ! O c’est Orphée qui chante !
O grand arbre en l’oreille ! Et tout se tut.
Mais cependant ce tu lui-même
fut commencement neuf, signe et métamorphose.

De la claire forêt comme dissoute advinrent
hors du gîte et du nid des bêtes de silence;
et lors il s’avéra que c’était non la ruse
et non la peur qui les rendaient si silencieuses,

mais l’écoute. En leurs coeurs, rugir, hurler, bramer
parut petit. Et là où n’existait qu’à peine
une cabane, afin d’accueillir cette chose,

un pauvre abri dû au désir le plus obscur,
avec une entrée aux chambranles tout branlants,
tu leur fis naître alors des temples dans l’ouïe.

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Commentaires

  1. Arbre d’Orphée
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    Un arbre s’éleva, d’un élan rigoureux,
    En entendant ta voix, Orphée, venant de Grèce ;
    Tes doigts sur l’instrument dansaient avec adresse
    Au rythme régulier de ton chant langoureux.

    Une biche attentive, aux grands yeux amoureux,
    Oublia le grand cerf dont elle fut maîtresse ;
    Les animaux du bois furent pleins d’allégresse
    En écoutant ce son qui les rendait heureux.

    Toi qui pourrais charmer le soleil, les planètes
    Et les démons du ciel, ces lanceurs de comètes,
    Tu es de l’univers le meilleur musicien.

    Comme elle songe à toi, l’Aphrodite marine
    Qui voudrait te serrer sur sa douce poitrine
    Et qui depuis longtemps te reconnaît pour sien !

  2. Temple du serpent
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    Est-il lui-même un dieu, l’animal doucereux
    Dont en un temple obscur la colonne se dresse ?
    Ainsi qu’un vrai prophète, il parle avec adresse,
    Il vante le bel arbre et son fruit savoureux.

    A-t-il connu Lilith, en fut-il amoureux,
    Ou bien s’amuse-t-il avec d’autres maîtresses ?
    Pour ce rusé trompeur, vainqueur sans allégresse,
    Un temple fut bâti par quelques malheureux.

    Peut-être il leur dira les lois de la planète,
    Les subtils changements qu’annoncent les comètes,
    Cet esprit malfaisant, ce serpent magicien.

    Dans l’Eden de Vénus mûrit la mandarine
    Pour tenter l’autre Dame, et cela nous chagrine ;
    Le reptile accomplit ce destin, c’est le sien.

  3. Temple au fond de la friche
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    Ici nulle trace d’allées,
    Jamais de jardinier ici ;
    J’aime que l’endroit soit ainsi,
    Comme une sauvage vallée.

    Une cabane bricolée
    Trône au fond de ce ramassis ;
    Et c’est un sanctuaire aussi,
    Pour la dryade inconsolée.

    Elle qui perdit sa beauté
    Et se morfond en chasteté,
    Cet abri précaire est son temple.

    Elle découvre les vertus
    D’une âme où le désir s’est tu ;
    D’Artémis elle suit l’exemple.

  4. Temple pauvre
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    Ici, rien de mirobolant,
    Pas de vitraux et pas d’icônes ;
    Pas de Créateur sur son trône,
    Pas d’encensoir aux fiers relents.

    Je vois un démon corpulent
    Qui n’a point la grâce d’un faune ;
    Il porte une soutane jaune
    Et longe les murs, à pas lents.

    Qui prend soin de cette chapelle ?
    Un gars qui fuit quand on l’appelle,
    Un boit-sans-soif, un scélérat.

    Sur l’autel, quatre fleurs fanées ;
    Les a jadis abandonnées
    Celle qui point ne reviendra.

  5. Temple vermoulu
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    Ici le temps va s’écoulant,
    Lui qu peut ternir les icônes ;
    Le Seigneur vieillit sur son trône,
    Toujours plus rarement parlant.

    Je vois les démons pullulants,
    C’est une lamentable faune ;
    Cet endroit devient une zone
    Abritant d’assez mauvais plans.

    Un démon, je te le rappelle,
    N’est autre qu’un ange rebelle ;
    Dieu, peut-être, le sauvera.

    Ainsi passeront mille années,
    Au déclin toujours condamnées :
    Malgré ça, notre espoir vivra.

  6. La religion

    Il m'a fallu des années, et c'est long
    Pour ôter de moi toute religion
    Ce que c'est quand même que les habitudes
    Et la trouille
    Peur de déplaire à sa famille, peur
    Déjà de supporter sa dernière heure
    Sans qu'aucun espoir d'un monde meilleur
    Ne gazouille
    Enfin, j'en suis sorti et c'est tant mieux
    Mais voilà que mon fils ouvre les yeux
    Ne demandant qu'à croire aux merveilleux évangiles
    Qu'il me pardonne de lui dégonfler
    Son Superman pour bande dessinée
    Faudra vivre sans lui, tant pis si c'est moins facile
    Des Jésus, depuis le début des temps
    Il y en eut plus d'un, heureusement
    À vouloir nous sortir de notre banc de galère
    À prêcher l'amour, à prêcher la foi
    Par des miracles, épater le bourgeois
    Et alors, je ne vois là rien d'extraordinaire
    Il guérissait les malades, et puis quoi
    Des guérisseurs, j'en connais deux ou trois
    Dont la mère n'était pourtant pas immaculée
    Ton Jésus, range-le chez les héros
    Admire-le sans chanter de credo
    Et des Églises, ne va pas croire aux contes de fées
    Et puis quand tu seras sorti de là
    Ne tombe pas de Charybde en Scylla
    Tu sais, tous les prêtres ne donnent pas le baptême
    Il y en a qui hurlent "Garde à vous"
    D'autres "Prolétaires, unissez-vous"
    Mais regarde-les de près, ce sont tous les mêmes
    Des gens qui veulent t'apprendre à penser
    Rien que par réflexe conditionné
    À marcher au pas en brandissant des emblèmes
    Méfie-toi des rouges, des blancs et des noirs
    Ne cotise pas chez les marchands d'espoir
    Vis ta vie tout seul, écris ton histoire
    Toi-même

    Jacques Debronckart

    ...et tellement vrai....

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