Un soir
Avec les doigts de ma torture
Gratteurs de mauvaise écriture,
Maniaque inspecteur de maux,
J’écris encor des mots, des mots…Quant à mon âme, elle est partie.
Morosement et pour extraire
L’arrière-faix de ma colère,
Aigu d’orgueil, crispé d’effort,
Je râcle en vain mon cerveau mort.Quant à mon âme, elle est partie.
Je voudrais me cracher moi-même,
La lèvre en sang, la face blême :
L’ivrogne de son propre moi
S’éructerait en un renvoi.Quant à mon âme, elle est partie.
Homme las de rage, qui rage
D’être lassé de son orage,
La vie en lui ne se prouvait
Que par l’horreur qu’il en avait.Quant à mon âme, elle est partie.
Mes poings ont tordu dans le livre
L’intordable fièvre de vivre ;
Ils ne l’ont point tordue assez
Bien que mes poings en soient cassés.Quant à mon âme, elle est partie.
Le han du soir suprême, écoute !
S’entend là-bas sur la grand’route ;
Clos tes volets – c’est bien fini
Le mors-aux-dents vers l’infini.
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Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
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