Un mot au Soleil pour commencer
Soleil ! soudard plaqué d’ordres et de crachats,
Planteur mal élevé, sache que les Vestales
À qui la lune, en son équivoque œil-de-chat,
Est la rosace de l’Unique Cathédrale,Sache que les Pierrots, phalènes des dolmens
Et des nymphéas blancs des lacs où dort Gomorrhe,
Et tous les bienheureux qui pâturent l’Éden
Toujours printanier des renoncements, -t’abhorrent.Et qu’ils gardent pour toi des mépris spéciaux,
Bellâtre, Maquignon, Ruffian, Rastaquouère
À breloques d’œufs d’or qui le prends de si haut
Avec la terre et son Orpheline lunaire.Continue à fournir de couchants avinés
Les lendemains vomis des fêtes nationales,
A styler tes saisons, à nous bien déchaîner
Les drames de l’Apothéose Ombilicale!Va, Phoebus! Mais, Dèva, dieu des réveils cabrés,
Regarde un peu parfois ce Port-Royal d’esthètes
Qui, dans leurs décamérons lunaires au frais,
Ne parlent de rien moins que mettre à prix ta tête.Certes, tu as encor devant toi de beaux jours;
Mais la tribu s’accroît, de ces vieilles pratiques
De l’À QUOI BON? qui vont rêvant l’art et l’amour
Au seuil lointain de l’Agrégat inorganique.Pour aujourd’hui, vieux beau, nous nous contenterons
De mettre sous le nez de Ta Badauderie
Le mot dont l’Homme t’a déjà marqué au front;
Tu ne t’en étais jamais douté, je parie?-Sache qu’on va disant d’une belle phrase, os
Sonore, mais très nul comme suc médullaire,
De tout boniment creux enfin : c’est du pathos,
C’ est du PHŒBUS! -Ah ! Pas besoin de commentaires…Ô vision du temps où l’être trop puni,
D’un : «Eh ! Va donc, Phœbus ! » te rentrera ton prêche
De vieux crescite et multiplicamini,
Pour s’inoculer à jamais la Lune fraîche!
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Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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