Trop tard
Il a parlé. Prévoyante ou légère,
Sa voix cruelle et qui m’était si chère
A dit ces mots qui m’atteignaient tout bas :
« Vous qui savez aimer, ne m’aimez pas !« Ne m’aimez pas si vous êtes sensible,
« Jamais sur moi n’a plané le bonheur.
« Je suis bizarre et peut-être inflexible ;
« L’amour veut trop : l’amour veut tout un coeur
« Je hais ses pleurs, sa grâce ou sa colère ;
« Ses fers jamais n’entraveront mes pas. »Il parle ainsi, celui qui m’a su plaire…
Qu’un peu plus tôt cette voix qui m’éclaire
N’a-t-elle dit, moins flatteuse et moins bas :
« Vous qui savez aimer, ne m’aimez pas !« Ne m’aimez pas ! l’âme demande l’âme.
« L’insecte ardent brille aussi près des fleurs :
« Il éblouit, mais il n’a point de flamme ;
« La rose a froid sous ses froides lueurs.
« Vaine étincelle échappée à la cendre,
« Mon sort qui brille égarerait vos pas. »Il parle ainsi, lui que j’ai cru si tendre.
Ah ! pour forcer ma raison à l’entendre,
Il dit trop tard, ou bien il dit trop bas :
« Vous qui savez aimer, ne m’aimez pas. «
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Marceline DESBORDES-VALMORE
Marceline Desbordes-Valmore, née à Douai le 20 juin 1786 et morte à Paris le 23 juillet 1859, est une poétesse française. Elle est la fille d’un peintre en armoiries, devenu cabaretier à Douai après avoir été ruiné par la Révolution. À la fin de 1801, après un séjour à Rochefort et à Bordeaux, Marceline et sa mère... [Lire la suite]
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