Tout dort. Le fleuve antique …
Tout dort. Le fleuve antique entre ses quais de pierre
Semble immobile. Au loin s’espacent des beffrois.
Et sur la cité, monstre aux écailles de toits,
Le silence descend, doux comme une paupière.Les palais et les tours sur le ciel étoilé
Découpent des profils de rêve. Notre-dame
Se reflète, géante, au miroir de mon âme.
Et la Sainte-Chapelle a l’air de s’envoler ! …Tout dort dans les maisons où regarde la lune.
Et ceux-là qu’éreinta la vie et son travail
Jouissent, poings fermés, leur somme de bétail
Ou galopent furieux la course à la fortune.Pour moi, je veille, l’âme éparse dans la nuit,
Je veille, coeur tendu vers des lèvres absentes,
Parmi la solitude aux brises caressantes,
Et la lune à travers les arbres me conduit.Paris est recueilli comme une basilique ;
À peine un roulement de fiacre, par moment,
Un chien perdu qui pleure, ou le long sifflement
D’une locomotive – au loin – mélancolique.Le silence est profond, comme mystérieux.
La nuit porte l’amour endormi sous sa mante
Et je n’entends plus rien dans la cité dormante
Que ton haleine frêle et douce, ô mon amante,Qui fait trembler mon coeur large ouvert sous les cieux.
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Albert SAMAIN
Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français. Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce. Vers 1880, il fut envoyé à Paris, où il décida de rester.... [Lire la suite]
ce poème est issu du recueil "le chariot d'or" Symphonie héroïque (1900)
I. Le cadre où se trouve le poéte
1.La ville
2.Le rêve
II. La place du poéte dans son poème
1.La solitude
2.L'opposition avec les habitudes
3.Paysage d'état d'esprit