Tombe isolée
À Varennes, pays de calme et de bien-être,
Au milieu d’un enclos ombragé de grands fûts,
Blanche, parmi le vert des herbages touffus
Une pierre tombale est là sous ma fenêtre.Pauvre mort délaissé ! je ne veux rien connaître
Ni même soupçonner rien de ce que tu fus ;
Pourtant à ta pensée un sentiment confus
De troublante pitié me hante et me pénètre.Serait-ce que la mort elle-même a le don
Au-delà du cercueil de sentir l’abandon ?
La tombe a-t-elle aussi ses ennuis ? non sans doute ;Mais le cœur, pauvre cœur ― à quoi bon le nier ? ―
Est bien fait pour aimer sans fin, puisqu’il redoute
Jusqu’au fond du tombeau l’isolement dernier.
(1899)
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Louis-Honoré FRÉCHETTE
Louis-Honoré Fréchette (16 novembre 1839 – 31 mai 1908), poète, dramaturge, écrivain et homme politique, est né à St-Joseph-de-la-Pointe-Lévy (Lévis), Québec, Canada. Bien que son père, entrepreneur, soit analphabète, il étudie sous la tutelle des Frères des écoles chrétiennes. De 1854 à 1860, il fait ses études... [Lire la suite]
À Fréchette, ce digne et sage homme de lettres,
Je dis que je le crois poète, s'il en fut.
Il chante l'océan et les taillis touffus,
Vers l'infini du monde il ouvre une fenêtre.
Il chante le ciel noir et les vents assidus,
Puis les âges sans voix que l'on ne peut connaître ;
Le brave homme de Dieu qui chez l'Indien pénètre
Et l'arbre qui frémit de ses bras éperdus.
Il parle d'amitié, de souvenirs, de dons,
Mais aussi du malheur d'une âme à l'abandon ;
Son dur alexandrin n'est point sujet au doute.
Son pas est assuré sur les étroits sentiers ;
La muse le défie sans qu'il ne la redoute,
Bon artisan qu'il est, maître dans son métier.