There
( A Émile Le Brun)
« Angels » ! seul coin luisant dans ce Londres du soir,
Où flambe un peu de gaz et jase quelque foule,
C’est drôle que, semblable à tel très dur espoir,
Tout souvenir m’obsède et puissamment enroule
Autour de mon esprit un regret rouge et noir :Devantures, chansons, omnibus et les danses
Dans le demi-brouillard où flue un goût de rhum,
Décence, toutefois, le souci des cadences,
Et même dans l’ivresse un certain décorum,
Jusqu’à l’heure où la brume et la nuit se font denses.« Angels » ! jours déjà loin, soleils morts, flots taris ;
Mes vieux péchés longtemps ont rôdé par tes voies,
Tout soudain rougissant, misère ! et tout surpris
De se plaire vraiment à tes honnêtes joies,
Eux pour tout le contraire arrivés de Paris !Souvent l’incompressible Enfance ainsi se joue,
Fût-ce dans ce rapport infinitésimal,
Du monstre intérieur qui nous crispe la joue
Au froid ricanement de la haine et du mal,
Ou gonfle notre lèvre amère en lourde moue.L’enfance baptismale émerge du pécheur,
D’un sourire non sans franchise ou sans fraîcheur,
Qui vient, quoi qu’il en ait, se poser sur sa bouche
A lui, par un prodige exquisement vengeur.C’est la Grâce qui passe aimable et nous fait signe.
Ô la simplicité primitive, elle encor !
Cher recommencement bien humble ! Fuite insigne
De l’heure vers l’azur mûrisseur de fruits d’or !
« Angels » ! ô nom revu, calme et frais comme un cygne !
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Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
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