Sur un marbre brisé
La mousse fut pieuse en fermant ses yeux mornes ;
Car, dans ce bois inculte, il chercherait en vain
La Vierge qui versait le lait pur et le vin
Sur la terre au beau nom dont il marqua les bornes.Aujourd’hui le houblon, le lierre et les viornes
Qui s’enroulent autour de ce débris divin,
Ignorant s’il fut Pan, Faune, Hermès ou Silvain,
A son front mutilé tordent leurs vertes cornes.Vois. L’oblique rayon, le caressant encor,
Dans sa face camuse a mis deux orbes d’or ;
La vigne folle y rit comme une lèvre rouge ;Et, prestige mobile, un murmure du vent,
Les feuilles, l’ombre errante et le soleil qui bouge,
De ce marbre en ruine ont fait un Dieu vivant.
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José-Maria de HEREDIA
José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]
L’ambiprophète usé voit tout d’un regard morne ;
Il prêcha cinquante ans, et cela fut en vain,
Donc, il reste chez lui, buvant d’assez bon vin,
De la sobriété respectant bien les bornes.
Autrefois, son amie, la licorne à bicorne,
Partageait avec lui ce breuvage divin,
Ainsi que des sorciers, des mages, des devins,
Et même l’ange vert aux plumes de tadorne ;
Mais les uns sont partis, et les autres sont morts,
Tombés comme la feuille ; elle accepte son sort
Et se va reposer dessus l’argile rouge.
Mais lui, l’ambiprophète, est resté bien vivant,
Contemplant son jardin que caresse le vent
Sans lequel, en ces lieux, rien, ou presque, ne bouge.
Planète accablante
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La nef cosmique accoste une planète morne,
Car pour nous rendre ailleurs nos efforts furent vains ;
Les gens de cet endroit n’ont que du mauvais vin,
Chose qui peut conduire au désespoir sans bornes.
Un roi nous accueillit, soufflant dans une corne,
Pas vraiment élégant (bien que de droit divin) ;
Il fit délibérer sur nous quelques devins
Dont les obscurs propos de rhétorique s’ornent.
Un vieux mage a dit « Roi, ne les mets point à mort,
Ces êtres ne sont pas porteurs d’un mauvais sort. »
Là-dessus, l’échanson nous verse un coup de rouge.
Déjà, ce n’est pas mal de s’en sortir vivants,
Donc nous ne ferons point la grimace en buvant
Sous l’oeil de ce sorcier dont pas un cil ne bouge.