Sur un hôte douteux
Ses disciples chantent : Il revient le Sauveur des hommes : Il vêt un autre habit de chair. L’étoile, tombée du plus haut ciel a fécondé la Vierge choisie. Et il va renaître parmi nous.
Temps bénis où la douleur recule ! Temps de gloire où la Roue de la Loi courant sur l’Empire conquis va traîner tous les êtres hors du monde illusoire.
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L’Empereur dit : Qu’il revienne, et je le recevrai, et je l’accueillerai comme un hôte.
Comme un hôte petit, qu’on gratifie d’une petite audience, — pour la coutume, — et d’un repas et d’un habit et d’une perruque afin d’orner sa tête rase.
Comme un hôte douteux que l’on surveille ; que l’on reconduit bien vite là d’où il vient, pour qu’il ne soudoie personne.
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Car l’Empire, qui est le monde sous le Ciel, n’est pas fait d’illusoire : le bonheur est le prix, seul, du bon gouvernement.
Que fut-il, celui qu’on annonce, le Bouddha, le Seigneur Fô ? Pas même un lettré poli,
Mais un barbare qui connut mal ses devoirs de sujet et devint le plus mauvais des fils.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Bouddha ne parle pas. Chaque fois qu'un adepte
Dit qu'il l'a entendu, sache qu'il a rêvé.
Si ce disciple danse en disant « J'ai trouvé »,
Il est dans les erreurs de notre monde inepte.
Cette vie est errance, et ne suit nul précepte.
Exode avec fardeau, et nos pieds entravés,
Aussi, ne marche plus. Laisse-toi dériver
Et n'entre qu'en maison qui ta visite accepte.
Bouddha ne parle pas. C'est pourquoi l'excellence
De la compréhension se voit dans le silence,
Comme, au fort du combat, se taisent les lutteurs.
Bouddha ne parle pas. Mais le vent, parfois, chante
Pour rendre la froidure, au matin, moins méchante,
Pour donner un sourire, aussi, à l'instructeur.
Épouvantail de classe exceptionnelle
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De la méditation toujours je fus adepte ;
Car les épouvantails sont bien faits pour rêver.
Nous qui n’avons jamais de pitance à trouver,
Ne nous dispersons pas en errances ineptes.
La posture avant tout, tel est notre précepte ;
Nos pieds ne bougent pas, sans qu’ils soient entravés,
Jamais on ne nous voit glisser ou dériver,
Nous aimons le repos, car notre âme l’accepte.
Être un épouvantail, voilà de l’excellence,
De la subtilité, du savoir, du silence,
Même, une fermeté digne d’un grand lutteur.
Dans l’averse avenante et dans le vent qui chante,
Nous ne développons nulle pensée méchante,
Et nous laissons parler nos interlocuteurs.
Punaise azurée
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Cette sage punaise est du bouddhisme adepte,
Des maîtres de jadis elle a souvent rêvé;
Aux rideaux d’un vieux temple on pourra la trouver,
Méditant sur le Rien, cela n’est pas inepte.
Un grillon japonais lui transmit des préceptes,
Le chemin de sa vie en fut alors pavé;
Elle suit ce parcours sans jamais dériver,
Rencontrant un obstacle, elle rit et l’accepte.
L’insecte ne croit pas détenir l’excellence,
Mais peut déjà produire un assez beau silence;
Ces petits animaux sont de vaillants lutteurs.
Jamais elle n’envie la cigale qui chante,
Jamais elle ne craint une fourmi méchante;
Un fabuliste fut son interlocuteur.