Stella
Je m’étais endormi la nuit près de la grève.
Un vent frais m’éveilla, je sortis de mon rêve,
J’ouvris les yeux, je vis l’étoile du matin.
Elle resplendissait au fond du ciel lointain
Dans sa blancheur molle, infinie et charmante.
Aquilon s’enfuyait emportant la tourmente.
L’astre éclatant changeait la nuée en duvet.
C’était une clarté qui pensait, qui vivait
Elle apaisait l’écueil où la vague déferle
On croyait voir une âme à travers une perle.
Il faisait nuit encor, l’ombre régnait en vain,
Le ciel s’illuminait d’un sourire divin.
La lueur argentait le haut du mât qui penche ;
Le navire était noir, mais la voile était blanche
Des goëlands debout sur un escarpement,
Attentifs, contemplaient l’étoile gravement
Comme un oiseau céleste et fait d’une étincelle
L’océan, qui ressemble au peuple, allait vers elle,Et rugissant tout bas, la regardait briller,
Et semblait avoir peur de la faire envoler.
Un ineffable amour emplissait l’étendue.
L’herbe verte à mes pieds frissonnait éperdue,
Les oiseaux se parlaient dans les nids ; une fleur
Qui s’éveillait me dit -. c’est l’étoile ma soeur.
Et pendant qu’à longs plis l’ombre levait son voile,
J’entendis une voix qui venait de l’étoile
Et qui disait : – Je suis l’astre qui vient d’abord.
Je suis celle qu’on croit dans la tombe et qui sort.
J’ai lui sur le Sina, j’ai lui sur le Taygète ;
Je suis le caillou d’or et de feu que Dieu jette,
Comme avec une fronde, au front noir de la nuit.
Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit.
Ô nations ! je suis la poésie ardente.
J’ai brillé sur Moïse et j’ai brillé sur Dante.
Le lion océan est amoureux de moi.
J’arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi !
Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles !
Paupières, ouvrez-vous, allumez-vous, prunelles,
Terre, émeus le sillon, vie, éveille le bruit,
Debout, vous qui dormez ! – car celui qui me suit,
Car celui qui m’envoie en avant la première,
C’est l’ange Liberté, c’est le géant Lumière !31 août. Jersey.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
- Approchez-vous. Ceci, c'est le tas des...
- L'histoire a pour égout des temps comme les...
- Le Progrès calme et fort, et toujours...
- Quand l'eunuque régnait à côté du césar
- A un qui veut se détacher
- Pasteurs et troupeaux
- Ce serait une erreur de croire que ces choses
- Ainsi les plus abjects, les plus vils, les...
- Ô Robert, un conseil. Ayez l'air moins...
- A propos de la loi Faider
Cinquième vers
Dans >>>une<<< blancheur molle