Stèle provisoire
Ce n’est point dans ta peau de pierre, insensible, que ceci aimerait à pénétrer ; ce n’est point vers l’aube fade, informe et crépusculaire, que ceci, laissé libre, voudrait s’orienter ;
Ce n’est pas pour un lecteur littéraire, même en faveur d’un calligraphe, que ceci a tant de plaisir à être dit :
Mais pour Elle.
o
Vienne un jour Elle passe par ici. Droite et grande et face à toi, qu’elle lise de ses yeux mouvants et vivants, protégés de cils dont je sais l’ombre ;
Qu’elle mesure ces mots avec des lèvres tissées de chair (dont je n’ai pas perdu le goût) avec sa langue nourrie de baisers, avec ses dents dont voici toujours la trace,
Qu’elle tremble à fleur d’haleine, — moisson souple sous le vent tiède, — propageant des seins aux genoux le rythme propre de ses flancs — que je connais,
o
Alors, ce déduit, enjambant l’espace et dansant sur ses cadences ; ce poème, ce don et ce désir,
Tout d’un coup s’écorchera de ta pierre morte, oh ! précaire et provisoire, — pour s’abandonner à sa vie,
Pour s’en aller vivre autour d’Elle.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
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