Stèle au désir
La cime haute a défié ton poids. Même si tu ne peux l’atteindre, que le dépit ne t’émeuve : Ne l’as-tu point pesée de ton regard ?
La route souple s’étale sous ta marche. Même si tu n’en comptes point les pas, les ponts, les tours, les étapes, — tu la piétines de ton envie.
La fille pure attire ton amour. Même si tu ne l’as jamais vue nue, sans voix, sans défense, — contemple-la de ton désir.
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Dresse donc ceci au Désir-Imaginant ; qui, malgré toutes, t’a livré la montagne, plus haut que toi, la route plus loin que toi,
Et couché, qu’elle veuille ou non la fille pure sous ta bouche.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Style au désert
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La rime rare a nargué ton pinceau.
Même si tu ne peux la satisfaire,
Petit rimeur, tu n'as pas à t'en faire,
Tu peux signer ton oeuvre de ton sceau.
La route est longue, et trop lents sont tes pas.
Mais l'essentiel est que, toujours, tu marches
Sur ce chemin qu'ombragent quelques arches ;
Il est des buts où l'on n'arrive pas.
La fille tendre éveille ton désir,
Reste avec elle, et sois tendre à loisir,
Un barde peut parfois se le permettre.
Dresse une stèle à ces trois déités
À qui tu dois tant de félicités :
Et remercie Segalen, ce bon maître.
Pont de sinople
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Ne connaissant ni règle ni compas,
J’ai dans la tour taillé d’obliques marches ;
Mais je suis fier du pont aux nobles arches,
Il est solide, et tout à fait sympa.
Si l’Empereur ne l’inaugure pas,
Le béniront la Dame de Luzarches
Et son mari, ce noble patriarche ;
Nous servirons un abondant repas.
Si cette dame en avait le désir,
Je l’instruirais au temps de son loisir ;
Mon confesseur pourrait me le permettre.
Ai-je le droit de la solliciter,
De requérir cette félicité ?
C’est Cupidon qui en sera le maître.