Poème 'Spleen et printemps' de Jules LAFORGUE dans 'Premiers poèmes'

Spleen et printemps

Jules LAFORGUE
Recueil : "Premiers poèmes"

Avril met aux buissons leurs robes de printemps,
Des essaims de baisers frissonnent dans les branches,
La mouche d’eau zigzague aux moires de l’étang,
Les boutons d’or ont mis leurs collerettes blanches…
- Dans mon cœur souffle encor l’hiver et ses autans.

Aux baisers du soleil partout le bourgeon crève
Et devient un calice où, se grisant de sève,
Bourdonnent et l’abeille et les frelons goulus.
Partout du renouveau l’homme joyeux s’élève…
- Seul mon cœur desséché ne refleurira plus.

Le liseron s’enroule étoilé de clochettes
Aux volets peints en vert des blanches maisonnettes
Le réséda, l’œillet et le muguet aussi
Embaument la fenêtre étroite des grisettes…
- Au jardin de mon cœur ne vient que le souci.

Et la main dans la main, par les sentiers ombreux,
Deux à deux, les amants roucoulent langoureux.
Tout aime et tout convie aux amoureuses fièvres,
Tout rit, tout est content de vivre sous les cieux
- Moi, j’erre à travers tout, le dégoût sur les lèvres

Et les couples bourgeois promènent leurs marmots
A la culotte large et fendue au derrière ;
Le soir ils s’uniront à l’heure du loto
Pour chercher le rébus du dernier numéro…
- Moi je n’ai que des soifs folles à satisfaire.

Le soir rythmant leur rêve en gais dactyles d’or,
Les poètes croient voir flotter de blanches fées
Déchirant aux buissons leurs robes de buées,
La nuit, dans la clairière aux brises étouffées…
- Moi je ne sais rimer que visions de mort.

Là-bas dorment les morts. Moi, dans la farce humaine,
J’ai fait mon rôle aussi. Je voudrais m’en aller.
Hélas ! J’attends encor l’heure lente et sereine
Où pour la grande nuit, dans un coffre de chêne,
Le Destin – ce farceur – voudra bien m’emballer.

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Commentaires

  1. chacun pretend a quelque chose!
    certains n'obtiennent pas ce qu'ils veulent.
    chacun souhaite une vie en rose!
    certains sont broyés par la vie comme par une meule!

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