Sous un souffle apaisé quand rit la mer sereine…
Traduit de Moschus.
I
Sous un souffle apaisé quand rit la mer sereine,
Tout mon cœur s’enhardit, et pour l’humide plaine
La terre est oubliée : ô mer, je viens à toi !
Mais qu’un grand vent s’élève et réveille l’effroi,
Que l’écume du flot blanchisse et fasse rage,
Tout mon amour alors se reprend au rivage ;
Je ne veux que les bois, et l’ombre et les gazons :
Le pin, par un grand vent, rend encor de doux sons.
Pêcheur, que je te plains, dans ta nef pour demeure,
Chassant ta proie errante au péril de chaque heure !
À moi le bon sommeil sous un platane épais !
À moi les jours couchés au sein d’un antre frais,
Et la source au long bruit, qui, roulant sous la voûte,
Charme et ne peut troubler le pasteur qui l’écoute !II
Pan aimait Écho, sa voisine,
Qui pour le Satyre brûlait,
Et le Satyre aimait Nérine ;
Leur flamme, à tous trois, se brouillait.
Jeu bizarre, et pourtant le nôtre !
Ce qu’un amant inflige à l’autre,
D’un autre il l’éprouve à son tour :
Le talion est loi d’amour.
Or voici ma leçon ; que le novice entende :
« Rends l’amour à qui t’aime, afin qu’on te le rende. »III
Quittant Pise et ses jeux, Alphée au flot d’argent
Cherche à travers les mers Aréthuse en plongeant ;
Et dans son sein il porte à la nymphe adorée
L’olivier des vainqueurs et la poudre sacrée.
Profond, pur, et chargé des amoureux cadeaux,
Il fend le flot amer sans y mêler ses eaux ;
Et le grand flot dormant ne sent rien, et l’ignore,
Et l’a laissé passer. Ah ! c’est Amour encore,
Le mauvais, le perfide et le rusé songeur,
C’est lui dont l’art secret fit du fleuve un plongeur !
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Charles-Augustin SAINTE-BEUVE
Charles-Augustin Sainte-Beuve est un critique littéraire et écrivain français, né le 24 décembre 1804 à Boulogne-sur-Mer et mort le 13 octobre 1869 à Paris. Né à Moreuil le 6 novembre 1752, le père de l’auteur, Charles-François Sainte-Beuve, contrôleur principal des droits réunis et conseiller municipal à... [Lire la suite]
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