Sonnets de la Mort – 09 – Qui sont, qui sont ceux-là, dont le cœur idolâtre
Qui sont, qui sont ceux-là, dont le cœur idolâtre,
Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs,
Et qui sont ces valets, et qui sont ces Seigneurs,
Et ces âmes d’Ebène, et ces faces d’Albâtre ?Ces masques déguisés, dont la troupe folâtre
S’amuse à caresser je ne sais quels donneurs
De fumées de Cour, et ces entrepreneurs
De vaincre encor le Ciel qu’ils ne peuvent combattre ?Qui sont ces louvoyeurs qui s’éloignent du Port ?
Hommagers à la Vie, et félons à la Mort,
Dont l’étoile est leur Bien, le Vent leur fantaisie ?Je vogue en même mer, et craindrais de périr
Si ce n’est que je sais que cette même vie
N’est rien que le fanal qui me guide au mourir.
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Jean de SPONDE
Jean de Sponde (Joanes Ezponda, en basque), né en 1557 à Mauléon (Pays Basque) et mort le 18 mars 1595 à Bordeaux, est un poète baroque français. Né dans une famille liée à la cour de Navarre, élevé dans un milieu protestant et austère, brillant élève, il reçoit de Jeanne d’Albret, mère de Henri IV, une bourse... [Lire la suite]
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Abel-Baal et Baal-Caïn
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Le ver Baal, qui plus tard fut dieu des idolâtres,
En ses deux héritiers, jadis, mit son honneur,
Grands serpents l’un et l’autre, animaux randonneurs;
Hélas, pour une pomme ils ont voulu se battre.
Ils n’ont rien partagé, dans le printemps folâtre,
Car de la même dame ils voulaient le bonheur,
Chacun du fatal fruit se voulant le donneur,
Comme si cette reine eût été Cléopâtre.
Chacun, dans le combat, fut saigné comme un porc,
Cet Abel, ce Caïn sont unis dans la mort
Quand d’être tentateurs il leur prit fantaisie.
Or, ce double trépas ne fit point dépérir
Celui qui leur avait, c’est vrai, donné la vie,
Mais sans leur enseigner la crainte de mourir.
Adversaire du serpent
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Contre le Tentateur ne pourrai-je me battre,
Qui des premiers humains veut altérer l’honneur ?
Pourrait-il échapper à mon bec harponneur,
Ne pourrai-je le tordre et le plier en quatre ?
Lui qui fit tant souffrir sa mère et sa marâtre,
Lui qui depuis l’enfance est inapte au bonheur,
J’aimerais le trancher comme le moissonneur
Tranche la mauvaise herbe aux racines noirâtres.
Notre vieux Créateur dit d"épargner son corps,
Pour qu’avec les Écrits nous soyons en accord ;
Il aime la rigueur et non la fantaisie.
Le fruit ne devra point sur son arbre pourrir,
Mais sa chair sera par la main d’Eve saisie
Et ces premiers vivants apprendront à mourir.