Poème 'Sonnet romain' de Jean RICHEPIN dans 'Les Caresses'

Sonnet romain

Jean RICHEPIN
Recueil : "Les Caresses"

La belle Julia languissament s’étale
Sur les gradins du cirque, assise au premier rang,
Sans voir l’oeil inquiet du Samnite mourant
Dont la vie est pendue à son doigt de vestale.

La vierge songe bien à la clameur brutale
De la plèbe, au vaincu qu’un vain espoir reprend !
Elle songe, rêveuse et le coeur soupirant,
Au beau prêtre de la Vénus orientale,

Au Syrien frisé qui sait les chants d’amour,
Et qui, le soir, marie aux sanglots du tambour
Sur un rhythme voilé sa voix chaude et lascive.

Et la vierge, qui sent tressaillir son sein nu,
Se ferait avec joie enterrer toute vive
Pour connaître par lui le mystère inconnu.

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Commentaires

  1. Nef allant vers ailleurs
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    La trirème voguant sur une mer étale
    Ne porte de rameurs dans aucun de ses rangs,
    Mais plus vite se meut que même un trimaran :
    Cela par la magie d'une jeune vestale.

    Elle guide la nef loin des villes brutales,
    Loin du stérile culte et loin des soupirants,
    Vers le Ponant où sont des oiseaux délirants
    Et (dit un vieux grimoire) une Inde Occidentale.

    Qui l'attend sur la rive ? Un berger fou d'amour ?
    Une troupe marchant au fracas du tambour ?
    Un fabuleux troupeau de bacchantes lascives ?

    Un Alexandre fier ? Un Diogène tout nu ?
    La vestale entretient une espérance vive :
    Que strictement désert soit ce monde inconnu.

  2. Manuscrit d’une vestale
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    Sur le cahier de la vestale
    Ne figure aucun ornement ;
    Ni les astres du firmament,
    Ni les tours de la capitale.

    Pas de prose sentimentale,
    Pas de discours pour les amants ;
    Car elle y inscrit seulement
    Des sentences fondamentales.

    Or, son encre n’est pas de sable
    Ni de sinople impérissable,
    Mais de gueules, comme un fruit mûr.

    Je vois courir sa plume vive :
    Un vieux poème se ravive !
    J’aime la vestale d’azur.

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