Poème 'Ô laissez-vous aimer !' de Charles-Augustin SAINTE-BEUVE dans 'Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme'

Ô laissez-vous aimer !

Charles-Augustin SAINTE-BEUVE
Recueil : "Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme"

À madame ***.

La fine del mio amore fu già il saluto di questa donna, ed in quello dimorava la beatitudine del fine di tutti i miei desideri.
Dante, Vita nuova.

I

Ô laissez-vous aimer !… ce n’est pas un retour,
Ce n’est pas un aveu que mon ardeur réclame ;
Ce n’est pas de verser mon âme dans votre âme,
Ni de vous enivrer des langueurs de l’amour ;

Ce n’est pas d’enlacer en mes bras le contour
De ces bras, de ce sein ; d’embraser de ma flamme
Ces lèvres de corail si fraîches ; non, Madame,
Mon feu pour vous est pur, aussi pur que le jour.

Mais seulement, le soir, vous parler à la fête,
Et tout bas, bien longtemps, vers vous penchant la tête,
Murmurer de ces riens qui vous savent charmer ;

Voir vos yeux indulgents plus mollement reluire ;
Puis prendre votre main, et, courant, vous conduire
À la danse légère….. Ô laissez-vous aimer !

II

Madame, il est donc vrai, vous n’avez pas voulu,
Vous n’avez pas voulu comprendre mon doux rêve ;
Votre voix m’a glacé d’une parole brève,
Et vos regards distraits dans mes yeux ont mal lu.

Madame, il m’est cruel de vous avoir déplu :
Tout mon espoir s’éteint et mon malheur s’achéve ;
Mais vous, qu’en votre cœur nul regret ne s’élève,
Ne dites pas : « Peut-être il aurait mieux valu… »

Croyez avoir bien fait ; et, si pour quelque peine
Vous pleurez, que ce soit pour un peigne d’ébène,
Pour un bouquet perdu, pour un ruban gâté !

Ne connaissez jamais de peine plus amère ;
Que votre enfant vermeil joue à votre côté,
Et pleure seulement de voir pleurer sa mère!

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

Aucun commentaire

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS