Sonnet moderne
Elle mit son plus beau chapeau, son chapeau bleu,
Et la robe que nul encor n’a dégrafée.
Puis elle releva la boucle ébouriffée
Que sa voilette avait fait redescendre un peu.Elle se dit : – C’est mal, très-mal! Et comme il pleut !
Je serai faite, vrai, comme une vieille fée ! -
Puis, avant de sortir, pour prendre une bouffée
D’air chaud, elle allongea ses mains devant le feu.Et sous son en-tout-cas la voilà qui trottine
Dans la pluie. On ne voit d’elle que sa bottine,
Et sa croupe qui fait un pouf au waterproof.Elle arrive. – Mon Dieu ! que c’est haut le cinquième !
La clef est sur la porte, elle entre, elle fait : Ouf !
Et lui mouille le nez en lui disant : – Je t’aime.
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Jean RICHEPIN
Jean Richepin, né à Médéa (Algérie) le 4 février 1849 et mort à Paris le 12 décembre 1926, est un poète, romancier et auteur dramatique français. Ce poète turbulent, fils d’un médecin militaire originaire d’Ohis (Aisne), eut dans sa jeunesse une réputation de « fort en thème », ce qui lui permit de faire de... [Lire la suite]
Bélier-triton
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Au milieu du jardin serpente un fleuve bleu
Vers lequel vient parfois une bête assoiffée,
Et dans lequel s’ébat, toison ébouriffée,
Le grand Bélier-triton, fort comme trois cents boeufs.
Le fleuve est traversé d’un pont vertigineux
Dont chaque grande pile est de marbre coiffée ;
Il a surgi un jour, c’est l’ouvrage des fées,
Ainsi, pour la commune, il ne fut pas ruineux.
L’âme des béliers morts, tous les soirs, l’illumine
Sous des rayons d’argent qui vivement cheminent
Vers le monstre fluvial, serein contemplatif.
Lui, dans ces moments-là, voudrait faire un poème,
Mais son coeur angoissé ne trouve pas de thème ;
Il contemple les cieux, d’un oeil dubitatif.
Dieu-bélier
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Ce dieu qui sait son pouvoir déployer
Donne aux brebis tout ce qu’elles désirent ;
Et dans le pré, plus d’une veut l’élire
Pour compagnon, l’aimer et le choyer.
Quand à sa force, il sait bien l’employer,
Car son troupeau n’y voit rien à redire ;
Le vieux berger le chante sur sa lyre
Pendant sa sieste, à l’ombre d’un noyer.
J’admire aussi ce bélier que j’adore,
Et j’aime voir un dieu survivre encore,
Un être pur, sans honte et sans bassesse.
À ces moutons, du bonheur adviendra
Ce dont aucun d’entre eux ne se plaindra ;
Et je le sais, car ils chantent sans cesse.
Saint Romuald
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C’est un bélier divin, ce n’est pas un jocrisse,
Il vit dans un alpage au magique décor ;
Plusieurs petits serpents gigotent en coulisse
Et le chien du troupeau prend bien soin de son corps.
L’aigle vole un peu bas, le sphinx a des caprices
Et parfois l’on entend le son lointain du cor ;
L’alpage ne connaît nul agent de police,
Une sage brebis règle les désaccords.
C’est au printemps, surtout, que la montagne est belle,
Austère par endroits mais jamais trop cruelle ;
Le berger se comporte en humble serviteur.
Veuillez prier pour nous, saint bélier plein de grâce,
Aussi pur que la neige où vous laissez vos traces
Ou qu’un agneau dont vous êtes le géniteur.