Sonnet cabalistique
Dans notre vie âcre et fiévreuse
Ta splendeur étrange apparaît,
Phare altier sur la côte affreuse;
Et te voir est joie et regret.Car notre âme que l’ennui creuse
Cède enivrée à ton attrait,
Et te voudrait la reine heureuse
D’un monde qui t’adorerait.Mais tes yeux disent, Sidonie,
Dans leur lumineuse ironie
Leur mélancolique fierté,Qu’à ton front, d’où l’or fin rayonne,
Il suffit d’avoir la couronne
De l’idéale royauté.
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Charles CROS
Charles Cros, né à Fabrezan (Aude) le 1er octobre 1842, originaire d’une famille de Lagrasse (Aude) et mort à Paris le 9 août 1888, est un poète et inventeur français. Passionné de littérature et de sciences, il fut un temps, de 1860 à 1863, professeur de chimie à l’Institut parisien des Sourds-Muets, avant de se... [Lire la suite]
Un vieux traité prend la parole
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Lis-moi d'une âme non fiévreuse,
Je suis moins dur qu'il n'y paraît ;
Je ne dis nulle histoire affreuse,
Déchiffre-moi donc sans regrets.
Je ne dis nulle fable creuse,
Ma prose n'est pas sans attrait ;
Je dis l'Antiquité heureuse
Et les dieux que l'homme adorait.
Ne me mets point à l'agonie
En commentant, plein d'ironie,
Les phrases qui font ma fierté ;
Les mots dont mon papier rayonne
Sont les joyaux de la couronne
D'une authentique royauté.
Couronne apocalyptique
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Vient l"apocalypse fiévreuse,
Un dragon royal apparaît ;
Il nous dit des fables affreuses,
Il nous révèle des secrets.
Sa couronne est d’argile creuse,
L’apôtre Luc fit son portrait ;
Il sortit d’une grotte ombreuse,
Plutôt féroce il se montrait.
L’univers est à l’agonie ;
J’entends une cacophonie,
Plusieurs anges ont déserté.
La gloire de Lilith rayonne,
Le roi lui transmet sa couronne ;
Je les ai vus se concerter.
Roi kabbaliste
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En sa cellule ténébreuse,
Le vieux roi thaumaturge oeuvrait ;
Traçant des formules ombreuses,
Il encodait de lourds secrets.
Au fond de sa cervelle creuse,
Un univers il découvrait ;
Il produisit des lois nombreuses,
Qu'aux gens d'inframonde il offrait.
Pour une vouivre à l’agonie,
Il fit une cérémonie
Afin de la réconforter.
Un chat noir près de lui ronronne,
Que nul Cupidon n'éperonne ;
Les rats courent en liberté.
* * *
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-- Grand roi kabbaliste,
Qui choisis-tu comme reine ?
-- Celle qui voudra.
Manoir altier
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Perdu au fin fond de la Creuse,
L’édifice est assez discret;
Entouré de sylves ombreuses,
Bâti d’imposants blocs de grès.
L’approche n’est pas dangereuse,
Ce sont des chemins de forêt ;
Les visites sont peu nombreuses,
Mais moins rares qu’il n"y paraît.
En ce lieu règne une harmonie
De modestes cérémonies ;
L’un boit du vin, l’autre du thé.
Un autre au sommeil s’abandonne
Cependant qu’un barde fredonne
Un couplet qu’il vient d’inventer.