Sonnet à Mme S. C.
A Madame S. C.
Bien que Parisienne en tous points, vous avez
Conservé dans votre être un parfum bucolique,
Legs immatériel des poëmes rêvés
Par votre mère; ainsi votre forme s’explique.En effet, votre voix a des sons dérivés
Du parler berrichon lent et mélancolique,
Et tous vos mouvements, que j’ai bien observés,
Me font penser à Ruth, la glaneuse biblique.De vous s’échappe un vague arome de foins mûrs.
Comme ceux des lézards qui dorment sur les murs,
Vos yeux pleins de soleil sont prêts à toute alerte,Et, par bonté pour ceux que ces yeux ont touchés,
Sous des aspects mondains et roués, vous cachez
Que vous n’aimez au fond que la campagne verte.
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Charles CROS
Charles Cros, né à Fabrezan (Aude) le 1er octobre 1842, originaire d’une famille de Lagrasse (Aude) et mort à Paris le 9 août 1888, est un poète et inventeur français. Passionné de littérature et de sciences, il fut un temps, de 1860 à 1863, professeur de chimie à l’Institut parisien des Sourds-Muets, avant de se... [Lire la suite]
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Il porte élégamment son gilet délavé ;
Il longe lentement la rive bucolique
Tout en se répétant des poèmes rêvés,
Traditionnels sonnets que jamais l’on n’explique.
En effet, chaque mot a des sens dérivés ;
Tu ne les sais pas tous, scribe mélancolique,
Et ton oeuvre t’échappe, on a pu l’observer ;
Comme échappait leur prose aux rédacteurs bibliques.
Qu’importe ! Un beau poème est doux comme un fruit mûr
Et vif comme un lézard qui danse sur un mur ;
Et toujours, la rivière au vogueur est ouverte.
Je vois ici la rive, et ne veux la toucher,
Aquatique je suis, comme un poisson caché
Au coeur de la fraîcheur, au profond de l’eau verte.