Soir
Ô calme de l’ombre indistincte !
Ô silence du logis clos !
Le carillon du beffroi tinte,
Et ses sons semblent les halos
Du cadran qui, sur la tour, hante
Comme un clair de lune qui chante !La bûche brûle, opiniâtre :
Elle s’enflamme, chaque fois
Que le vent noir souffle sur l’âtre
Avec un bruit presque de voix ;
Ô le vent dans la cheminée !
La chambre est toute enluminée…On songe à des choses finies,
À tout ce qu’on avait rêvé,
Processions sans litanies,
Maison où rien n’est arrivé,
Tout le passé dont on est vieux !
Ô les lampes comme des yeux…Les pâles lampes nous regardent,
Regards de ceux qui ne sont plus ;
Et les miroirs un peu nous gardent
Les visages irrésolus
De tant de morts que nous aimâmes ;
Ce soir, le vent porte leurs âmes.Souvenance ! Morne veillée !
Pourquoi tant d’essais de bonheur ?
Toute vie est dépareillée…
La bûche, comme un Sacré-Cœur,
Dans la cendre saigne en silence ;
Le vent la perce de sa Lance.La chambre est triste à cause d’elle,
Triste à cause de nous aussi ;
Sa peine à la nôtre se mêle,
Et tout s’en va dans l’air transi
Finir en un peu de fumée
Par qui la chambre est résumée.1896
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Georges RODENBACH
Georges Rodenbach (né le 16 juillet 1855 à Tournai et mort le 25 décembre 1898 à Paris) était un poète symboliste et un romancier belge de la fin du XIXe siècle. Issu d’une famille bourgeoise d’origine allemande – son père, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, est vérificateur des poids et mesures ;... [Lire la suite]
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