Sœur équivoque
De quel nom te désigner, de quelle tendresse ? Sœur cadette non choisie, sage complice d’ignorances,
Te dirai-je mon amante ? Non point, tu ne le permettrais pas. Ma parente ? Ce lien pouvait exister entre nous. Mon aimée ? Toi ni moi ne savions aimer encore.
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Sœur équivoque, et de quel sang inconnu ! — Maintenant, sois satisfaite : ni sœur ni amie ni maîtresse ni aimée, chère indécise d’autrefois,
Te voici désormais fixée, dénommée, par coutume et rite et sort (ayant perdu le nom de ta jeunesse),
Sois satisfaite : te voici mariée. Tu es emplie de joie permise,
Tu es femme.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Licorne ambivalente
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Les monstres sur le mont contemplent la licorne,
Ne sachant si, pour eux, c’est une aimable soeur ;
Questionnant le corbeau à la sage noirceur,
Ils en ont obtenu un silence sans bornes.
La licorne entrevoit d’innombrables soleils ;
Elle reste ébahie de ces jeux de lumière.
Leur éclat fait danser les morceaux de matière,
Le moindre fruit devient un ornement vermeil.
Licorne, je ne sais te conférer un titre ;
Aussi , je m’abstiendrai de cette décision,
Même si je te dois d’étonnantes visions,
Même si, de ma vie, tu remplis un chapitre.
Trinité rampante
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Nous aimons ce jardin qui de prodiges s’orne,
Nous qui fûmes instruits par Lilith, notre soeur ;
Nos coeurs ont retenu ses leçons de noirceur,
Nos yeux ont contemplé l’infamonde sans bornes.
Le soir, nous écoutons les chants de la licorne,
Adam n’a point appris le métier de chasseur ;
Ce primate tout nu voudrait être un penseur,
Un érudit austère, un moraliste morne.
L’un de nous trois va dire à notre princesse Ève
Qu’il faut manger le fruit nourri de bonne sève,
Que la sagesse alors sera dans son esprit.
Adam, qui avec elle un tel désir partage,
Par la même occasion deviendra notre otage,
Et vous l’êtes aussi, n’en soyez pas surpris.
Serpents perplexes
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Dans l'ancien Jardin,
Peut-être avions-nous des pattes,
Où sont les fossiles?
Feuillage ambivalent
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Vieux mur qui de lierre s’habille
Dans une hivernale douceur ;
Chaque feuille montre à ses soeurs
La nuance dont elle brille.
Elles forment une famille
Qui s’agrandit avec ardeur ;
Nous en admirons la verdeur
Dont la diversité scintille.
Les feuilles s’abreuvent de sève,
Puis dorment d’un sommeil sans rêves ;
Le calme règne en leur esprit.
Les racines, qu’elles partagent,
Sont un merveilleux apanage,
Un trésor qui n’a pas de prix.