Silence et nuit des bois
Il est plus d’un silence, il est plus d’une nuit,
Car chaque solitude a son propre mystère :
Les bois ont donc aussi leur façon de se taire
Et d’être obscurs aux yeux que le rêve y conduit.On sent dans leur silence errer l’âme du bruit,
Et dans leur nuit filtrer des sables de lumière.
Leur mystère est vivant : chaque homme à sa manière
Selon ses souvenirs l’éprouve et le traduit.La nuit des bois fait naître une aube de pensées ;
Et, favorable au vol des strophes cadencées,
Leur silence est ailé comme un oiseau qui dort.Et le coeur dans les bois se donne sans effort :
Leur nuit rend plus profonds les regards qu’on y lance,
Et les aveux d’amour se font de leur silence.
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René-François SULLY PRUDHOMME
René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme, né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901. Fils d’un commerçant, René Armand Prudhomme, qui souhaite devenir ingénieur, fait ses études au lycée Bonaparte,... [Lire la suite]
Apanage de gueules
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J’ai vu la chèvre d’or à l’élégant maintien
Droite sous le soleil ainsi qu’une luronne,
Face au renard d’argent, que sa grâce n’étonne ;
Tous deux semblaient avoir un paisible entretien.
Ce monde est fait ainsi : parler de tout, de rien
Et de je ne sais quoi, un chacun s’y adonne,
Qu’il soit duc, vigneron, renard, chèvre ou baronne ;
Le bavardage emplit le cadre quotidien.
Tel n’est point mon état de taciturne aragne :
Je vais loin de la foule et, paisible, je gagne
Les hauteurs où domine un silence béni ;
Ma toile est un hamac solide et confortable ;
C’est, en ces temps mouvants, une structure stable,
C’est le point d’où je peux contempler l’infini.
Humble goupil
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C’est un goupil timide, il ne sort que la nuit,
Marchant par les sentiers où le granit affleure ;
Plus loin dans la forêt, le hibou dit les heures
Et les astres s’en vont où le ciel les conduit.
Les pas de l’animal ne font presque aucun bruit,
Que l’on trouve parfois fort loin de sa demeure ;
Je le vois méditer sous les arbres qui meurent
Ou sourire, pensif, au lapereau qui fuit.
Je trouve malaisé de lire ses pensées ;
Mais je sais qu’elles sont toujours bien agencées,
Portant sur des sujets qu’il a soin de choisir.
Le goupil dans sa marche écoute le silence
Ou le cri familier que la hulotte lance ;
La longue nuit s’écoule, apaisant ses désirs.