Si tu meurs en jeunesse, autant as tu gousté…
Si tu meurs en jeunesse, autant as tu gousté
D’amour, et de douceur durant ce peu d’espace,
Que si de deus cens ans tu par-faisois la trace,
Nul plaisir est nouveau sous le ciel revouté :Pour boire plusieurs fois le ventre degousté
N’en est de rien plus soul, la corruptible masse
De ce cors que tu traine, est semblable à la tasse
Qui ne retient pas l’eau que l’on luy a jetté.Partant soit tost ou tard que le trait de la Parque
Du nombre des vivans au tombeau te demarque,
N’abandonne à regret le monde despourveu :Tu vois tout en un an et ce que l’influence
Des saisons, et des tems plusieurs siecles avance,
N’est rien que le retour de ce que tu as veu.
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Jean-Baptiste CHASSIGNET
Jean-Baptiste Chassignet (1571-1635) est un poète baroque français. Né à Clairac en Agenais, alors terre d’Empire, Jean-Baptiste CHASSIGNET est le fils d’un médecin. Il reçoit une formation humaniste, étudie le droit à l’université de Dole où il obtient son doctorat, ce qui le mène à une carrière d’avocat... [Lire la suite]
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- Comte les ans, les mois, les heures et les... (3)
Dauphin de Langoiran
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Dauphin de Langoiran, nous te voyons goûter
À beaucoup de gibier dans ton liquide espace ;
Tu guettes les poissons, tu les suis à la trace,
Aussi, non sans raison, tu en es redouté.
Tu ne t’en prives point, car ils ne t’ont coûté
Qu’un peu de natation (qui n’est pas de la brasse) ;
Tu ne crains ni le froid, ni de boire la tasse,
Le rapide courant ne te peut dérouter.
Ainsi, pour les gardons, tu es comme une Parque
Qui sur leur courte vie pose sa froide marque ;
De moyens de défense, ils sont trop dépourvus.
Or, je t’envie parfois cette aquatique errance,
Moi qui terrestrement avec lenteur avance ;
Mais que je sois dauphin, cela n’est pas prévu.
Dauphin du Port de la Lune
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Profonde est la Garonne, il n’en faut pas douter,
De mystère est empli cet insondable espace ;
S’y promène un dauphin, ne laissant nulle trace,
Qui du menu fretin est vraiment redouté.
Il a beaucoup appris, car il sait écouter,
Lui qui n’aura jamais le coeur à marée basse ;
L’ondin le congratule et l’ondine l’embrasse,
Sous le vieux Pont de Pierre ils prennent leur goûter.
Quand la muse survient dans sa modeste barque,
Le dauphin lui sourit, comme le fit Pétrarque ;
Du moyen de séduire, il n’est pas dépourvu.
Ira-t-il visiter d’autres fleuves de France ?
C’est le nôtre, je crois, qui a sa préférence ;
Pourtant, dans la Dordogne, un poète l’a vu.