Poème 'Septentrion, dieu de l’amour' de Raymond RADIGUET dans 'Les Joues en feu'

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Septentrion, dieu de l’amour

Raymond RADIGUET
Recueil : "Les Joues en feu"

Nous sommes venus voir l’enfant
Qui, de la pauvre Cendrillon
Ayant, paraît-il, hérité,
Peut conduire sans arrêter
Trois jours durant le cotillon.

Le croyez-vous, c’est celui-ci
Qui danse, une étoile à son front,
Comme sur le parquet poli
Où aurait pu glisser Narcisse.
Son étoile en la mer se mire,
Celle qui guide nos marins.

Tous les cadeaux que distribue
Avec sur les yeux un bandeau
L’enfant qui devrait être dieu
Gracieusement aux danseuses
Ravissent leur cœur et leurs yeux.

De mélodieux coquillages
Des danseuses devinant l’âge.

Des jumelles faisant voir nue
Celle dont on rêve la nuit.

Des chapeaux de bizarre forme
Coiffez-vous-en, car ils endorment
Toute peine qui vient du cœur.
Et, sans nulle parcimonie,
Encor des cœurs, beaucoup de cœurs,
Que gauchement elles manient.

Si notre feu dure trois jours
Est-il digne du nom amour ?
Ma belle danseuse inconnue
Consulte à ce sujet Vénus
Bien qu’elle n’ait pas reconnu
Pour fils le vrai dieu de l’amour.

Comment veux-tu que nous croyions
En celui qui ne meurt jamais ?
Le vrai dieu c’est l’enfant aimé
C’est le danseur Septentrion ;
Avec le bal son cœur s’arrête
Et notre amour meurt aussi vite.

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