Scène d’atelier
A Edouard Manet.
Sachant qu’Elle est futile, et pour surprendre à l’aise
Ses poses, vous parliez des théâtres, des soirs
Joyeux, de vous, marin, stoppant près des comptoirs,
De la mer bleue et lourde attaquant la falaise.Autour du cou, papier d’un bouquet, cette fraise,
Le velours entourant les souples nonchaloirs,
Ces boucles sur le front, hiéroglyphes noirs,
Ces yeux dont vos récits calmaient l’ardeur mauvaise,Ces traits, cet abandon opulent et ces tons
(Vous en étiez, je crois, au club des Mirlitons)
Ont passé sur la toile en quelques coups de brosse.Et la Parisienne, à regret, du sofa
Se soulevant, dit: «C’est charmant!» puis étouffa
Ce soupir: «Il ne m’a pas faite assez féroce!»
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Charles CROS
Charles Cros, né à Fabrezan (Aude) le 1er octobre 1842, originaire d’une famille de Lagrasse (Aude) et mort à Paris le 9 août 1888, est un poète et inventeur français. Passionné de littérature et de sciences, il fut un temps, de 1860 à 1863, professeur de chimie à l’Institut parisien des Sourds-Muets, avant de se... [Lire la suite]
Vaine application PdP 3-9-13
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Vers vingt ans, nous avions des leçons de portrait.
Une tendre Vénus nous servait de modèle ;
Nous cherchions, de nos traits que nous voulions fidèles,
À capturer la fleur de ses charmants attraits.
L’occasion de souffler, de temps en temps, s’offrait.
Le professeur disait : « Voyez, mademoiselle,
Comment ces jouvenceaux et cette jouvencelle
Ont vu votre beauté, ce qu’ils en ont extrait. »
La plupart des portraits étaient plaisants à voir,
Leurs auteurs possédant déjà quelque savoir ;
Cependant, mes efforts et ceux de ma voisine
Eurent un résultat si caricatural
Que la fière Vénus, au maintien sculptural,
N’éprouva que stupeur, face aux oeuvres porcines.
Dieu barbare
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Au temple de granit, le dieu se trouve à l’aise
Où l’on entend prier du matin jusqu’au soir,
Presque aussi fréquenté que ne sont les comptoirs
Ou la grotte où la Vierge a parlé à Thérèse.
On orne ses autels avec du vin, des fraises
Des récipients brillants comme des ostensoirs,
De rouges inscriptions, des hiéroglyphes noirs,
Que la saison soit bonne ou qu’elle soit mauvaise.
Les musiciens du roi sonnent sur tous les tons
Des cantiques sacrés, des chants de mirliton ;
On frotte la statue d’une très douce brosse.
Le dieu sait l’Oméga, il sait aussi l’Alpha,
Il sait même le sort qui Tantale assoiffa ;
Il est donc très puissant, mais il n’est pas féroce.