Sanctuaire en ruines
A François Gélard
J’ai dans l’âme un vieux sanctuaire
Aux trois quarts, hélas ! ruiné,
Où, sur un pauvre autel de pierre,
Des fleurs achèvent de faner.J’ai dans l’âme un vieux sanctuaire…
Voilà beau temps qu’on n’y vient plus,
Au matin, dire la prière
Et, le soir, tinter l’angélus.Jadis, pareilles à des vierges,
En de claires processions,
Vous incliniez ici vos cierges,
O mes blanches illusions ;Mais, par les routes des collines,
J’ai vu, dans l’ombre des lointains,
Fuir les dernières pèlerines ;
Et les cierges se sont éteints.Plus de cloches, plus de grand’messe,
Plus de cantiques de pardon !
Sur le tabernacle en détresse
Verdit l’herbe de l’abandon.J’ai dans l’âme un vieux sanctuaire…
Toutes les dalles du pavé
Portent le « ci-gît » mortuaire
Des grands destins que j’ai rêvés.Ils sont là, couchés les mains jointes,
Comme des preux de l’ancien temps,
Appuyant leurs souliers à pointes
Aux chimères de mes vingt ans.Et, de leurs niches descendues,
Les images que j’adorai
Vers des demeures inconnues,
L’une après l’une, ont émigré ;Des passants ont brisé les saintes
Dont mes jeunes dévotions
Baisèrent, sur les vitres peintes,
Les doigts prolongés en rayons.Oh! les Madones, les Maries,
D’autres encore aux noms très doux,
Roses d’antan, fleurs défleuries,
Où êtes-vous? Où êtes-vous ?Vous fûtes mon électuaire,
Mon Graal, de myrrhe embaumé…
J’ai dans l’âme un vieux sanctuaire.
Ses dieux sont morts : il s’est fermé.
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Anatole LE BRAZ
Anatole Le Braz (de son véritable nom Anatole Le Bras) (2 avril 1859- 20 mars 1926) est un écrivain et un folkloriste français de langue bretonne, mais n’ayant écrit qu’en français. Il est né à Saint-Servais (Côtes-d’Armor). Il est inscrit comme interne au lycée de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor),... [Lire la suite]
Ascension du bouddha de gueules
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Le bouddha, loin des sanctuaires,
Sans aucun discours superflu,
Monte soudain vers la lumière ;
Je crois qu'il ne reviendra plus.
Il n'a convoqué nulle vierge,
Nulle assemblée, ni procession ;
Personne ne lui brûle un cierge,
Adieu donc, monde d'illusions.
Loin de la plaine et des collines,
Loin des villages incertains,
Il gagne le ciel qu'illumine
L'éclat de cent soleils lointains.
Obscur sanctuaire
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Tu vois ici l’autel de l’Ondine immortelle
Dont le corps à présent nous restera caché ;
Ses prêtres ont déjà péri sur le bûcher,
Vers ce temple sacré leur âme revient-elle ?
Or, l’ondine poursuit sa vie surnaturelle,
Ses amis, cependant, ne peuvent l’approcher ;
Ils ont cru voir son corps assis sur un rocher,
Le plus subtil d’entre eux en fit une aquarelle.
Sa langoureuse voix, vibration d’un cristal,
Ne nous a plus parlé depuis ce jour fatal ;
Son plus jeune amoureux fort vainement l’appelle.
Absente dans la nuit, absente dans le jour,
Nous ne l’entendrons plus dire des mots d’amour ;
Alors nous l’évoquons dans la sombre chapelle.