Poème 'Rêve' de Théophile GAUTIER dans 'Premières poésies'

Rêve

Théophile GAUTIER
Recueil : "Premières poésies"

Et nous voulons mourir quand le rêve finit.

AL. GUIRAUD.

Toute la nuict je ne pense qu’en celle
Qui ha le cors plus gent qu’une pucelle
De quatorze ans.

MAÎTRE CLÉMENT MAROT.

Voici ce que j’ai vu naguère en mon sommeil :
Le couchant enflammait à l’horizon vermeil
Les carreaux de la ville ; et moi, sous les arcades
D’un bois profond, au bruit du vent et des cascades,
Aux chansons des oiseaux, j’allais, foulant des fleurs
Qu’un arc-en-ciel teignait de changeantes couleurs.
Soudain des pas légers froissent l’herbe ; une femme,
Que j’aime dès longtemps du profond de mon âme,
Comme une jeune fée accourt vers moi ; ses yeux
À travers ses longs cils luisent de plus de feux
Que les astres du ciel ; et sur la verte mousse
À mes lèvres d’amant livrant une main douce,
Elle rit, et bientôt enlacée à mes bras
Me dit, le front brûlant et rouge d’embarras,
Ce mot mystérieux qui jamais ne s’achève…
Ô nuit trompeuse ! Hélas ! pourquoi n’est-ce qu’un rêve ?

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Commentaires

  1. Rêve d(un céphalophore
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    -- Homme décapité, comment est ton sommeil ?
    -- Ah ! c'est, plus que le mien, celui du sang vermeil;
    De paupières n'ai plus, de sourcils, ni d'arcades ;
    Toujours coule mon fluide, ainsi qu'une cascade.

    -- Homme décapité, peux-tu sentir les fleurs ?
    -- Même pas, je ne peux deviner leur couleur,
    Mais j'aime, encore un peu; le contact d'une femme,
    Non point pour sa chaleur, plutôt pour sa belle âme.

    -- Homme décapité, que fais-tu de tes bras ?
    -- Que répondre ? Ils sont là, laissés dans l'embarras,
    Disant qu'heureusement leur histoire s'achève,
    Comme meurt l'univers, comme finit un rêve.

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