Retombée
Je frappe les dalles. J’en éprouve la solidité. J’en écoute la sonorité. Je me sens ferme et satisfait.
J’embrasse les colonnes. Je mesure leur jet, la portée, le nombre et la plantation. Je me sens clos et satisfait.
Me renversant, cou tendu, nuque douloureuse, je marche du regard sur le parvis inverse et je sens mes épaules riches d’un lourd habit cérémonieux, aux plis carrés, à la forte charpente.
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Coulant du faîte, paisible horizon terrestre, aux bords du toit mûri comme un manteau des moissons, — voici les Angles, acérés, griffus et cornus.
Ces quatre cornes, qui menacent-elles dans le ciel ? Que découvrent ces quatre doigts aux ongles longs ? Font-ils signe qu’il y a là-haut quelqu’un qui regarde ?
Ce sont les quatre coins de la Tente originale, noués aux quatre liens qui les relèvent, et, livrant avenue, déploient l’ample hospitalité.
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Liens invisible, que prolonge l’au-delà des nues, où vont-ils se lier eux-mêmes ? A quels piliers du Ciel, à quels poteaux du monde, à quelles hampes dix mille fois élevées ?
Cet espace, crevé par les pointes, pénétré des neuf firmaments qui l’entoure et le contient ? Plus loin que les confins il y a l’Extrême, et puis le Grand-Vide, et puis quoi ?
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Est-ce là l’inquiétude désignée par ces doigts courbés aux ongles longs ? — Mais voici, pas de réponse, et pas de signes, et point de haut mystère, et pas même de liens, même invisibles.
Puisque sous chacun des chevrons volants, accusant sa corne, résolvant sa cambrure, j’aperçois le grossier Piquet terrestre qui le soutient et qui l’explique.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Temple barbare
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Segalen vérifie la colonne et la dalle.
C'est de la bonne pierre, il en est satisfait.
Il félicite alors le scrupuleux préfet
Qui a fait émerger la nef monumentale.
Segalen évalue la solide charpente :
Il en remarque alors les éperons cornus
Qui semblent menacer quelques trolls inconnus ;
Il interroge alors l'instance compétente.
On lui répond : -- Ce sont les ancres bénéfiques
Qui fixent au Réel ce nouveau bâtiment,
Comme dans votre corps le font les ligaments,
Ou sur un vêtement les noeuds honorifiques.
Segalen est heureux, l'enthousiasme le gagne
Face à l'achèvement de cette construction ;
Aussi lui offre-t-il une bénédiction,
Brisant sur la façade un flacon de champagne.