Renoncement
Loin des villes, des quais, des marchands et des grèves,
Mon vaisseau revenu des plus lointains climats,
Pour que rien ne se mêle aux songes de ses mâts,
S’isole dans la mer qui respecte ses rêves.Aucune cargaison n’en a rempli les bords,
Il n’a jamais connu le feu des abordages
Et met tout son orgueil à laisser ses cordages
Reposer sur le pont comme des serpents morts !Mon navire inutile et superbe sommeille,
Sans que jamais pour un trafic il appareille
Vers quelque port lointain entrevu dans le soir.Et seul, sans matelots, ayant cargué ses voiles,
Il dérive au milieu d’un mirage d’étoiles
Dans une mer propice à son grand nonchaloir !
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Georges RODENBACH
Georges Rodenbach (né le 16 juillet 1855 à Tournai et mort le 25 décembre 1898 à Paris) était un poète symboliste et un romancier belge de la fin du XIXe siècle. Issu d’une famille bourgeoise d’origine allemande – son père, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, est vérificateur des poids et mesures ;... [Lire la suite]
Nef à la dérive
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La vague se soulève et le nuage crève,
Qui depuis ce matin au ponant se forma ;
Entends battre la voile, entend craquer le mât,
Neptune de ses coups nous harcèle sans trêve.
Ce voyage, au départ, était comme un beau rêve,
Mais de mauvais desseins l’océan s’anima ;
Trompeuse avait été la douceur du climat,
Il aurait mieux valu ne point quitter la grève.
Nous étions bien peinards, buvant sous une treille,
Admirant la serveuse et ses lèvres vermeilles ;
En l’aimable taverne il faisait bon s’asseoir.
Mais la noire bourrasque a déchiré les voiles,
J’entends hurler le vent, le ciel n’a pas d’étoiles,
Les requins nous auront pour leur repas du soir.