Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
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Charles BAUDELAIRE
Charles Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort le 31 août 1867 à Paris. Il est l’un des poètes les plus célèbres du XIXe siècle : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l’esthétique classique ; il est aussi celui qui a popularisé le poème en... [Lire la suite]
Sagesse d’un amphibien
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La salamandre vit dans la flamme tranquille
Qui se forme au-dessus du ruisseau que voici.
Elle passe son temps, recluse, loin des villes ;
Son âme est sans tourment, son coeur est sans souci.
Au bord de la rivière, une aragne d’or file ;
Sa toile de l’insecte aura toujours merci,
Tranquilles voleront les sveltes drosophiles
Et tout autre diptère arrivant par ici,
Loin de tout, traversant la plaine abandonnée,
Apportant avec eux leur chanson bourdonnée ;
Au matin, quand le ciel blanchit à l’Orient,
Un passereau d’azur au bord des flots se perche,
Et, dormant à demi, l’amphibien souriant
Entend la mélodie qui s’élève et se cherche.
Paix d’un animal PdP 31-1-15
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Un triton fait son nid dans un plasma dormant
Qui s’accroît plus haut qu’un canal coulant ici ;
Il vit ainsi, captif, loin d’un urbain roman,
Sans affliction, sans cri, sans chagrin, sans souci.
Son voisin fait un fil inactif, mais charmant ;
Aux animaux s’offrant sous un jour adouci,
Ni fulminant, ni noir, ni dur, ni alarmant,
Nul jour par son action tari, ni raccourci.
Loin, fort loin, franchissant un sol à l’abandon,
Portant un joli son, la chanson du bourdon,
Au matin, dans l’azur, au mitan du grand parc ;
Un piaf au ton saphir au bord du flot chanta ;
Du triton pur cobalt l’audition s’aimanta,
Apprivoisant l’amour, ainsi qu’a dit Saint Marc.
Salamandre en Eden
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Privé de ses humains, le jardin fut tranquille,
Ils s’étaient éloignés et le serpent aussi ;
Je ne regrette pas ces créatures viles,
Ma vie de salamandre est sans aucun souci.
Je ne vois pas les jours ni les saisons qui filent,
Je sais bien que Chronos est un dieu sans merci ;
L’âge a déjà rendu mes jambes malhabiles
et mon oreille sourde, et mon coeur indécis.
Cette terre, pourtant, n’est pas abandonnée,
Même si l’infraction ne fut point pardonnée ;
En leur mémoire l’ont les mages d’Orient.
Je sais que bien plus tard, ils se mettront en marche
Pour aller saluer un enfant souriant ;
Le roi David, alors, dansera devant l’Arche.
Vieux blaireau
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Cet animal se tient tranquille,
Au fond des bois il est assis ;
Il vit sans se faire de bile
Et presque sans aucun souci.
Ce n’est pas une brute vile
Ni un prédateur sans merci ;
Il épargne les plus fragiles,
Ou bien, leur mort il adoucit.
Il entreprend des randonnées
Dont l’allure est désordonnée ;
Vers le Ponant, vers l’Orient.
Pensif, au fil de cette marche,
Je le vois parfois souriant ;
Il rêve, ce vieux patriarche.