Rages de Césars
L’homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents :
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
- Et parfois son oeil terne a des regards ardents…Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie !
Il s’était dit : » Je vais souffler la liberté
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! »
La liberté revit ! Il se sent éreinté !Il est pris. – Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L’Empereur a l’oeil mort.Il repense peut-être au Compère en lunettes…
- Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.
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Arthur RIMBAUD
Arthur Rimbaud (Jean Nicolas Arthur Rimbaud) est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville, dans les Ardennes, et mort le 10 novembre 1891 à l’hôpital de la Conception à Marseille. Lycéen brillant et poète précoce, Arthur Rimbaud excelle dans les compositions latines, parmi lesquelles on trouve ses plus... [Lire la suite]
Charlemagne, empereur à la barbe fleurie,
Avance vers l'Espagne avec le fier Roland.
De Sarrazins feront grandiose boucherie ;
Déjà leur pas est vif, et leur coeur est ardent.
L'empereur aime mieux la guerre qu'une orgie,
Sur un champ de bataille est plus de liberté
Qu'en une riche salle éclairée de bougies.
Tout le jour il chevauche, et n'est point éreinté.
Roland est absorbé dans sa pensée muette.
Il craint que l'avenir n'apporte du remords,
Il craint la damnation, s'il ne craint pas la mort.
Turpin marche, tenant les saintes amulettes,
Il voit passer au ciel un nuage de feu :
"Seigneurs, s'exclame-t-il, il ne faut tenter Dieu."
Sagesse du comte Roland
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Les Francs ne disent rien, dont est la joie tarie,
Mais des anges sont là, qui soutiennent Roland ;
Ils ont pris, ce matin, les ordres de Marie,
Leur candide fraîcheur calme ce coeur brûlant.
Le fier Turpin, couché, de sa faible voix prie,
Chargé d’un bel espoir qu’il conserve en mourant ;
Assez loin dans le ciel, quelques noirs corbeaux crient,
Encore un peu plus haut passe un nuage errant.
L’armée des Sarrasins est maintenant muette ;
Ce silence n’est pas dicté par le remords,
Il l’est peut-être un peu par le respect des morts.
Dans les deux camps, les preux sont munis d’amulettes,
Car du noir inframonde ils redoutent le feu ;
Le comte les rassure : «ainsi l’a voulu Dieu.»