Qu’une vague l’emporte
La marée, en dormant, prolonge un souffle égal,
L’âme des conques flotte et bruit sur les rives…
Tout m’est hostile, et ma jeunesse me fait mal.
Je suis lasse d’aimer les formes fugitives.
Debout, je prends mon cœur où l’amour fut hier
Si puissant, et voici : je le jette à la mer.Qu’une vague légère et dansante l’emporte,
Que la mer l’associe à son profond travail
Et l’entraîne à son gré, comme une chose morte,
Qu’un remous le suspende aux branches de corail,
Que le vouloir des vents contraires le soulève
Et qu’il roule, parmi les galets, sur la grève.Qu’il hésite et qu’il flotte, un soir, emprisonné
Par la longue chevelure des algues blondes,
Que le songe de l’eau calme lui soit donné
Dans le fallacieux crépuscule des ondes…
Et que mon cœur, soumis enfin, tranquille et doux,
Obéisse au vouloir du vent et des remous.Je le jette à la mer, comme l’anneau des Doges,
L’anneau d’or que les flots oublieux ont terni,
Et qui tomba, parmi les chants et les éloges,
Dans le bleu transparent, dans le vert infini…
L’heure est vaste, les morts charmantes sont en elles,
Et je donne mon cœur à la mer éternelle.
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Renée VIVIEN
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn le 11 juin 1877 à Londres et morte le 18 novembre 1909 à Paris, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. Renée Vivien était la fille d’une mère américaine et d’un père britannique fortuné qui mourut en 1886,... [Lire la suite]
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