Poème 'Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour' de Joachim DU BELLAY dans 'Les Regrets'

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Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour

Joachim DU BELLAY
Recueil : "Les Regrets"

Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour
Sous un ciel inconnu, et quiconques endure
D’aller de port en port cherchant son aventure,
Et peut vivre étranger dessous un autre jour :

Qui peut mettre en oubli de ses parents l’amour,
L’amour de sa maîtresse, et l’amour que nature
Nous fait porter au lieu de notre nourriture,
Et voyage toujours sans penser au retour :

Il est fils d’un rocher ou d’une ourse cruelle,
Et digne qui jadis ait sucé la mamelle
D’une tigre inhumaine : encor ne voit-on point

Que les fiers animaux en leurs forts ne retournent,
Et ceux qui parmi nous domestiques séjournent,
Toujours de la maison le doux désir les point.

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Commentaires

  1. Serpent qui plonge
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    Le serpent d’argent plonge en infernal séjour
    Dont la rouge chaleur patiemment il endure ;
    Cela fait plusieurs fois qu’il court cette aventure,
    Traversant l’inframonde, et revenant au jour.

    Dans le sous-sol il va porter des mots d’amour,
    Surprenant des démons l’ombrageuse nature ;
    Puis il prend, parmi eux, un peu de nourriture
    Et glisse, nonchalant, sur la voie du retour.

    Porter de la douceur en la contrée cruelle,
    Cette tâche, pour lui, devient habituelle ;
    Il la reprend sans cesse, il ne s’en lasse point.

    En descendant là-bas, c’est chez lui qu’il retourne ;
    Il est frère de ceux qui toujours y séjournent,
    Se souvenant qu’il fut, jadis, au même point.

  2. Moine qui lit
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    Le moine d’une bible enrichit son séjour,
    Dont la tiède saveur patiemment il endure ;
    Cela fait plusieurs fois qu’il fait cette lecture,
    S’y plongeant chaque nuit, et parfois en plein jour.

    Dans le sous-sol il va lire ces mots d’amour,
    Des scribes découvrant l’ombrageuse nature ;
    Il prend, dans sa cellule, un peu de nourriture
    Et glisse, nonchalant, au texte sans retour.

    Car lire en une bible est chose assez cruelle ;
    Cette tâche, pour lui, peut-être habituelle,
    Il en emplit son coeur, il ne s’en lasse point.

    En déchiffrant ces mots, c’est chez lui qu’il retourne ;
    Il est cousin du dieu qui toujours y séjourne,
    Pris dans chaque virgule, aussi, dans chaque point.

  3. L’Alpha ne voit pas l’Oméga.
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    L’Alpha et l’Oméga ont-ils même séjour ?
    Pour Teilhard de Chardin, c’est une conjecture ;
    Je suis dubitatif lors de cette lecture,
    Je crois qu’ils sont vraiment séparés, à ce jour.

    Teilhard est optimiste, il croit au Dieu d’Amour,
    Il peut ainsi donner du sens à la Nature ;
    De la géologie faisant sa nourriture,
    Il sait que les chemins du Temps sont sans retour.

    Or, la Bible pour lui n’a pas été cruelle ;
    Même si la douleur y est habituelle,
    Ce récit l’édifie, et ne l’attriste point

    Allant vers l’Oméga, c’est chez lui qu’il retourne ;
    Désirant qu’avec lui ses frères y séjournent,
    Mais pour eux, l’Oméga, c’est un vulgaire point.

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Joachim DU BELLAY

Portait de Joachim DU BELLAY

Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou, et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la « Pléiade », groupe de poètes auquel Du Bellay donna son manifeste, « la Défense et illustration de la langue... [Lire la suite]

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