Poème 'Qu’heureux tu es, Baïf, heureux, et plus qu’heureux' de Joachim DU BELLAY dans 'Les Regrets'

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Qu’heureux tu es, Baïf, heureux, et plus qu’heureux

Joachim DU BELLAY
Recueil : "Les Regrets"

Qu’heureux tu es, Baïf, heureux, et plus qu’heureux,
De ne suivre abusé cette aveugle déesse,
Qui d’un tour inconstant et nous hausse et nous baisse,
Mais cet aveugle enfant qui nous fait amoureux !

Tu n’éprouves, Baïf, d’un maître rigoureux
Le sévère sourcil : mais la douce rudesse
D’une belle, courtoise et gentille maîtresse,
Qui fait languir ton coeur doucement langoureux.

Moi chétif, cependant, loin des yeux de mon prince,
Je vieillis malheureux en étrange province,
Fuyant la pauvreté : mais las ne fuyant pas

Les regrets, les ennuis, le travail et la peine,
Le tardif repentir d’une espérance vaine,
Et l’importun souci, qui me suit pas à pas.

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Commentaires

  1. Poisson de turquoise
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    Le poisson plutonien est sacrément heureux,
    Ce dont il remercie une obscure déesse :
    L'océan lui paraît débordant de promesses,
    De festins, de douceur, de plaisirs amoureux.

    Un Terrien trouverait le climat rigoureux ;
    Ce joli poisson vert n'en sent pas la rudesse,
    Il boit son apéro, parle avec sa maîtresse,
    Puis entend des oiseaux le babil langoureux.

    N'ayant point de baron, ni de duc, ni de prince,
    Cet endroit est pour lui la joyeuse province
    Où l'on aime la vie, où l'on ne s'en fait pas.

    Le Terrien, cependant, est toujours à la peine,
    Victime, bien souvent, d'une espérance vaine ;
    Pourquoi donc, vers Pluton, ne fait-il quelques pas ?

  2. Ambipoisson qui doute
    ---------------------

    L’ambipoisson martien sait-il qu’il est heureux ?
    Il n’a pas d’égérie, démone ni déesse,
    Car à nulle poissonne il n’a fait des promesses ;
    Et toujours en secret son coeur fut amoureux.

    Or, tu pourrais trouver ce destin rigoureux,
    Mais non pas accuser son porteur de rudesse :
    La sirène des flots, sans être sa maîtresse,
    Lui adresse souvent des regards langoureux.

    De lui, nul empereur ne voulut faire un prince,
    On ne le vit jamais gouverner des provinces,
    Ce sont là des honneurs qu’il ne recherche pas.

    L’ambipoisson martien ne se met pas en peine,
    Bien loin de cultiver une espérance vaine ;
    C’est chose vers laquelle il ne fait aucun pas.

  3. Poisson vénusien
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    Le poisson vénusien n’est guère savoureux,
    Car d’un fumet douteux est imprégnée sa graisse ;
    Même les prédateurs que la fringale presse
    Trouvent qu’il est sordide, et qu’il n’est pas pour eux.

    En sa vie quotidienne, il n’est pas rigoureux,
    Il peut faire des choix, mais avec maladresse ;
    Assez souvent, d’ailleurs, le largue une maîtresse
    Malgré sa production de sonnets langoureux.

    Il perd son appétit quand un rival l’évince,
    Puis, pendant quelques jours, se retire en province ;
    Il est fort affligé, mais ça ne dure pas.

    La sirène s’en vient pour soulager sa peine,
    Sachant lui démontrer que sa détresse est vaine ;
    Il retrouve un sourire à l’heure du repas.

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Joachim DU BELLAY

Portait de Joachim DU BELLAY

Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou, et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la « Pléiade », groupe de poètes auquel Du Bellay donna son manifeste, « la Défense et illustration de la langue... [Lire la suite]

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