Pour le vaisseau de Virgile
Que vos astres plus clairs gardent mieux du danger,
Dioscures brillants, divins frères d’Hélène,
Le poète latin qui veut, au ciel hellène,
Voir les Cyclades d’or de l’azur émerger.Que des souffles de l’air, de tous le plus léger,
Que le doux Iapyx, redoublant son haleine,
D’une brise embaumée enfle la voile pleine
Et pousse le navire au rivage étranger.A travers l’Archipel où le dauphin se joue,
Guidez heureusement le chanteur de Mantoue ;
Prêtez-lui, fils du Cygne, un fraternel rayon.La moitié de mon âme est dans la nef fragile
Qui, sur la mer sacrée où chantait Arion,
Vers la terre des Dieux porte le grand Virgile.
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José-Maria de HEREDIA
José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]
Sagesse du dragon
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Du ciel ou de la terre, il ne craint nul danger,
Le dragon polychrome aux allures sereines ;
Cependant, les sept mers abritent des sirènes
Dont il redoute un peu les hymnes étrangers.
Si le son de leurs voix brisait son vol léger,
Il flotterait dans l'onde, ainsi qu'une baleine,
Sans pouvoir regagner le nuage ou la plaine ;
À ce sort effrayant, son coeur n'ose songer.
La sirène, dit-on, de sa crainte se joue ;
Elle compose un chant qui exalte et qui loue
La sage retenue du dragon, pourtant preux.
Son cousin le dauphin, cet interprète agile,
Traduisit la chanson en langue de Virgile.
Le dragon nous a dit : « Pour moi, c'est de l'hébreu ».
Le Seigneur de Tralfamadore
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Il visite la Terre, ignorant ses dangers,
Nous pouvons contempler sa démarche sereine ;
Il est spécialement admiré des sirènes
Qui jamais n'avaient vu un pareil étranger.
Dans la steppe il avance à petits pas légers,
Il longe un estuaire où chantent les baleines ;
Mais que préfère-t-il, la montagne ou la plaine ?
Il ne veut pas répondre, il n'y a pas songé.
La police voudrait savoir quel rôle il joue ;
Elle fouille en détail l'appartement qu'il loue
Et ne trouve nulle arme, elle fait buisson creux.
Il n'est point conquérant, ce grand seigneur fragile,
Il lit, chaque matin, des livres de Virgile,
Et dans l'après-midi, un grimoire en hébreu.
« Que le doux Iapyx, redoublant son haleine »
=== sixième vers, Heredia ===
c'est un «i» majuscule «i-a-pyx» et pas un «L» minuscule.
Je confirme.
Dragon de Milpodvash
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De l’étrange planète il connaît les dangers,
Il avance la nuit sous la lune sereine ;
Au fond des océans il drague les sirènes,
Aucun corps féminin ne lui est étranger.
Son âme est satisfaite et son coeur est léger,
Il fréquente l’auberge où les coupes sont pleines ;
Il admire la danse et le chant des baleines,
Les malheurs de ce monde, il n’y veut point songer.
Avec sa tête il pense, avec des mots il joue
Et pour se délasser se vautre dans la boue,
Puis va casser la croûte, ayant un petit creux.
Il n’a pas assez lu, sa culture est fragile,
Mais il a du plaisir à déchiffrer Virgile ;
Quelques vers, cependant, lui semblent ténébreux.