Poème 'Petites misères d’hiver' de Jules LAFORGUE dans 'Des Fleurs de bonne volonté'

Petites misères d’hiver

Jules LAFORGUE
Recueil : "Des Fleurs de bonne volonté"

Vers les libellules
D’un crêpe si blanc des baisers
Qui frémissent de se poser,
Venus de si loin, sur leurs bouts cicatrisés,
Ces seins, déjà fondants, ondulent
D’un air somnambule…

Et cet air enlise
Dans le défoncé des divans
Rembourrés d’eiders dissolvants
Le Cygne du Saint-Graal, qui rame en avant !
Mais plus pâle qu’une banquise
Qu’Avril dépayse….

Puis, ça vous réclame,
Avec des moues d’enfant goulu,
Du romanesque à l’absolu,
Mille Pôles plus loin que tout ce qu’on a lu !….
Laissez, laissez le Cygne, ô Femme !
Qu’il glisse, qu’il rame,

Oh ! que, d’une haleine,
Il monte, séchant vos crachats,
Au Saint-Graal des blancs pachas,
Et n’en revienne qu’avec un plan de rachat
Pour sa petite sœur humaine
Qui fait tant de peine….

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