Petites misères de juillet
(Le Serpent de l’Amour
Monte, vers Dieu, des linges.
Allons, rouges méninges,
Faire un tour.)Écoutez, mes enfants! – « Ah! mourir, mais me tordre
« Dans l’orbe d’un exécutant de premier ordre! »
Rêve la Terre, sous la vessie de saindoux
De la Lune laissant fuir un air par trop doux,
Vers les Zéniths de brasiers de la Voie Lactée
(Autrement beaux ce soir que des Lois constatées)…
Juillet a dégainé ! Touristes des beaux yeux,
Quels jubés de bonheur échafaudent ces cieux,
Semis de pollens d’étoiles, manne divine
Qu’éparpille le Bon Pasteur à ses gallines !….
Et puis, le vent s’est tant surmené l’autre nuit !
Et demain est si loin ! et ça souffre aujourd’hui !
Ah! pourrir !.,. – Vois, la Lune-même (cette amie)
Salive et larmoie en purulente ophtalmie…..Et voici que des bleus sous-bois ont miaulés
Les milles nymphes! et (qu’est-ce que vous voulez)
Aussitôt mille touristes des yeux las rôdent,
Tremblants, mais le cœur harnaché d’âpres méthodes!
Et l’on va. Et les uns connaissent des sentiers
Qu’embaument de trois mois les fleurs d’abricotiers;
Et les autres, des parcs où la petite flûte
De l’oiseau bleu promet de si frêles rechutes
(Oh! ces lunaires oiseaux bleus dont la chanson
Lunaire, après dégel, vous donne le frisson !)
Et d’autres, les terrasses pâles où le triste
Cor des paons réveillés fait que Plus Rien n’existe !
Et d’autres, les joncs des mares où le sanglot
Des rainettes vous tire maint sens mal éclos;
Et d’autres, les prés brûlés où l’on rampe; et d’autres,
La Boue où, semble-t-il, Tout ! avec nous se vautre !….Les capitales échauffantes, même au frais
Des Grands Hôtels tendus de pâles cuirs gaufrés,
Faussent. – Ah ! mais ailleurs, aux grandes routes,
Au coin d’un bois mal famé, rien n’est aux écoutes….
Et celles dont le cœur gante six et demi,
Et celles dont l’âme est gris-perle, en bons amis,
Et d’un port panaché d’édénique opulence, ‘
Vous brûlent leurs vaisseaux mondains vers des Enfances!…..« Oh! t’enchanter un peu la muqueuse du cœur! »
« Ah! Vas-y, je n’ai plus rien à perdre à cett’ heur’,
« La Terre est en plein air et ma vie est gâchée,
« Ne songe qu’à la Nuit, je ne suis point fâchée. »
Et la vie et la Nuit font patte de velours….
Se dépècent d’abord de grands quartiers d’amour….
Et lors, les chars de foin, pleins de bluets, dévalent
Par les vallons des moissons équinoxiales…..
Ô lointains balafrés de bleuâtres éclairs
De chaleur ! puis ils regrimperont, tous leurs nerfs
Tressés, vers l’hostie de la Lune syrupeuse….
- Hélas! tout ça, c’est des histoires de muqueuses.,…
- Détraqué, dites-vous? Ah! par rapport à Quoi?
- D’accord; mais le Spleen vient, qui dit que l’on déchoit
Hors des fidélités noblement circonscrites.
- Mais le Divin chez nous confond si bien les rites !
- Soit; mais le Spleen dit vrai : ô surplis des Pudeurs,
C’est bien dans vos plis blancs tels quels qu’est le Bonheur !
- Mais, au nom de Tout! on ne peut pas! La Nature
Nous rue à dénouer dés Janvier leur ceinture !
- Bon! si le Spleen t’en dit, saccage universel!
Nos êtres vont par sexe, et sont trop usuels,
Saccagez! – Ah! saignons, tandis qu’elles déballent
Leurs serres de Beauté pétale par pétale!
Les vignes de nos nerfs bourdonnent d’alcools noirs,
Ô Sœurs, ensanglantons la Terre, ce pressoir
Sans Planteur de Justice! – Ah? tu m’aimes, je t’aime!
Que la Mort ne nous ait qu’IVRES-MORTS DE NOUS-MEMES(Le Serpent de l’Amour
Cuve Dieu dans les linges;
Ah! du moins nos méninges
Sont à court.)
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Jules LAFORGUE
Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort à Paris le 20 août 1887, est un poète du mouvement décadent français. Né dans une famille qui avait émigré en espérant faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. À l’âge de dix ans, il est envoyé en France, dans la ville de Tarbes d’où est originaire... [Lire la suite]
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- Complainte des pubertés difficiles (3)
- Complainte d'un certain dimanche (3)
Papillon de juillet
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Cet insecte jamais n’est accablé de tâches,
Lui qui butine un peu, mais c’est en amateur ;
Il n’a jamais été un grand consommateur,
Ce n’est nullement lui qui les récoltes gâche.
Certains l’accuseront de s’enfuir, comme un lâche,
Quand il vient à passer devant un prédateur ;
Mais il n’a que mépris pour ces observateurs
Qui ne raisonnent guère, et des clichés remâchent.
Je l’estime avant tout pour sa légèreté
Qui confère à son vol un air de liberté ;
Il ne semble pas moins léger quand il se pose.
Que pense-t-il du froid ? Dort-il pendant l’hiver ?
Se téléporte-t-il dans un autre univers ?
Quels savants sur ce point des réponses proposent ?