Pensionnaires
L’une avait quinze ans, l’autre en avait seize ;
Toutes deux dormaient dans la même chambre.
C’était par un soir très lourd de septembre
Frêles, des yeux bleus, des rougeurs de fraise.Chacune a quitté, pour se mettre à l’aise,
La fine chemise au frais parfum d’ambre.
La plus jeune étend les bras, et se cambre,
Et sa soeur, les mains sur ses seins, la baise,Puis tombe à genoux, puis devient farouche
Et tumultueuse et folle, et sa bouche
Plonge sous l’or blond, dans les ombres grises ;Et l’enfant, pendant ce temps-là, recense
Sur ses doigts mignons des valses promises,
Et, rose, sourit avec innocence.
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Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
Quatre lions
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L’un s’en vient du sud, l’un s’en vient du nord,
Arrivant au centre, ont pris une chambre,
Ont dormi, grisés du vin de septembre,
Vin nouveau, chargé de senteurs, mais fort.
Le tiers de la mer, le quart de ses bords,
Se sont rencontrés chez le vendeur d’ambre,
Chez qui la danseuse à minuit se cambre,
Dont l’activité semble sans effort.
Ah ! Ces quatre lions ne sont pas farouches,
lls sont, tels des chats, vautrés sur leur couche ;
De la pureté, leur coeur est épris.
J’aimerais avoir leur belle innocence,
Leur charmant esprit, leur goût, leur décence ;
Mais je ne suis rien, qu’un vieux malappris.
Tour des nobles défenseurs
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Nous gardons le Sud, nous gardons le Nord,
Nous qui habitons quatre ou cinq par chambre ;
D’un docile corps nous sommes les membres,
S’appuyant sur nous, l’Empereur est fort.
L’Empire est borné, le monde est sans bords,
Au lointain Ponant sont les mines d’ambre ;
L’antipode voit l’été en décembre,
Au seuil de l’Espagne on sonne du cor.
C’est assez dur d’être un guerrier farouche,
Car qui peut savoir sur quoi ça débouche ?
Mais à l’assumer nous avons appris.
Je regrette un peu les jours d’innocence,
Quelque part, quelqu’un pleure mon absence ;
Où sont les jardins dont je fus épris ?