Pauvres Vieilles Cités
Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
Dites de quel grand plan de gloire,
Vers la vie humble et dérisoire,
Toutes, vous voilà descendues.Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
Ni ce que disent aux nuées
Tant de pierres destituées
De leur ancien et bel orgueil,Vos carrefours, vos grand’places et votre port,
Tout est muet et léthargique ;
Tout semble aller à pas logiques
Vers l’horizon, où luit la mort.Seule, quand le marché aligne au jour levé,
Sur le trottoir, ses éventaires,
Un peu de vie hebdomadaire
Se cabre aux joints de vos pavés.Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d’or
Mènent leur ronde autour des rues,
L’émoi des foules accourues
Vous fait revivre une heure encor.Vos moeurs sont pareilles à vos petits jardins :
Buissons corrects, calmes verdures,
Mais une odeur de moisissure
Séjourne en leurs recoins malsains.Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers,
Vous ne penchez sur vos négoces
Que des yeux mornes ou féroces,
Qui ne comptent que par deniers.Vos cerveaux sans révolte et vos coeurs sans fierté
Se complaisent aux moindres choses,
Et de pauvres apothéoses
Font tressaillir vos vanités.Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux
Et vivez à la dérobée
Des miettes d’ombre et d’or tombées
Du festin rouge des aïeux.Pourtant, si triste et long que soit votre déclin,
Notre rêve ne veut pas croire
Que plus jamais la belle gloire
Ne bondira de vos tremplins.Vous vous armez encore de trop d’entêtement,
Damme, Courtrai, Ypres, Termonde,
Pour n’être plus au vent du monde
Que des tombeaux d’orgueil flamand.Et n’avoir plus aucun remords, aucun sursaut
En ces heures de somnolence
Où le visage du silence
Se mire seul dans vos canaux.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Meules qui Brûlent
- Les Vêpres
- Sois-nous propice et consolante encor...
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- Les Saints, les Morts, les Arbres et le Vent
- La glycine est fanée et morte est...
- L'Ombre est Lustrale et l'Aurore Irisée
- Lorsque ta main confie, un soir...
- Le clair jardin c'est la santé
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire