Palais
Vers le palais de Rosemonde au fond du Rêve
Mes rêveuses pensées pieds nus vont en soirée
Le palais don du roi comme un roi nu s’élève
Des chairs fouettées des roses de la roseraieOn voit venir au fond du jardin mes pensées
Qui sourient du concert joué par les grenouilles
Elles ont envie des cyprès grandes quenouilles
Et le soleil miroir des roses s’est briséLe stigmate sanglant des mains contre les vitres
Quel archet mal blessé du couchant le troua
La résine qui rend amer le vin de Chypre
Ma bouche aux agapes d’agneau blanc l’éprouvaSur les genoux pointus du monarque adultère
Sur le mai de son âge et sur son trente et un
Madame Rosemonde roule avec mystère
Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des HunsDame de mes pensées au cul de perle fine
Dont ni perle ni cul n’égale l’orient
Qui donc attendez-vous
De rêveuses pensées en marche à l’Orient
Mes plus belles voisinesToc toc Entrez dans l’antichambre le jour baisse
La veilleuse dans l’ombre est un bijou d’or cuit
Pendez vos têtes aux patères par les tresses
Le ciel presque nocturne a des lueurs d’aiguillesOn entra dans la salle à manger les narines
Reniflaient une odeur de graisse et de graillon
On eut vingt potages dont trois couleurs d’urine
Et le roi prit deux oeufs pochés dans du bouillonPuis les marmitons apportèrent les viandes
Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau
Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes
Et mes souvenirs faisandés en godiveauxOr ces pensées mortes depuis des millénaires
Avaient le fade goût des grands mammouths gelés
Les os ou songe-creux venaient des ossuaires
En danse macabre aux plis de mon cerveletEt tous ces mets criaient des choses nonpareilles
Mais nom de Dieu!
Ventre affamé n’a pas d’oreilles
Et les convives mastiquaient à qui mieux mieuxAh! nom de Dieu! qu’ont donc crié ces entrecôtes
Ces grands pâtés ces os à moelle et mirotons
Langues de feu où sont-elles mes pentecôtes
Pour mes pensées de tous pays de tous les temps
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Guillaume APOLLINAIRE
Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Wilhelm Albert Włodzimierz Apolinary de Wąż-Kostrowicki, est un écrivain français (né polonais, sujet de l’Empire russe), né le 26 août 1880 à Rome et mort le 9 novembre 1918 à Paris. C’est l’un des plus grands poètes français du début du XXe siècle, auteur notamment... [Lire la suite]
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Pique-nique en inframonde
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Apollinaire en plein rêve
Met sa tenue de combat ;
Une tempête s'élève,
Ou bien, c'est son coeur qui bat.
Il descend au souterrain,
Guidé par une grenouille,
Mais son délire est sans frein,
Son esprit part en quenouille.
Reçu par la dame fine
Dans sa chambre au papier gris,
Il déguste une amandine,
Dessert dont il est épris.
Terminant par l'entrecôte,
Il dit la bénédiction
Pour ce jour de Pentecôte,
Respectant la tradition.
Toi, même en dormant, Guillaume,
Tu nous épastrouilles bien !
Je crois qu'il vaut un royaume,
Ton esprit rabelaisien.
Manoir des bouquinistes
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Nos étagères sont d’assez robuste bois,
Ici, nous aimons tous cette noble matière;
De livres s’est emplie notre demeure entière,
Qui valent, à nos yeux, les richesse d’un Roi.
Des auteurs de tout poil dorment sous notre toit,
Des poètes, des fous, des chercheurs de lumière ;
Plus vivront leurs écrits qu’un monument de pierre,
Ils sont nos éclaireurs, en eux nous avons foi.
Dans leurs rêves subtils les rimeurs nous embarquent,
Point besoin, pour cela, du bâton de Plutarque ;
Mais nous les révisons, le soir, entre les draps.
Les livres empilés sont une architecture,
Un jardin foisonnant, un parcours d’aventure ;
Viens t’y perdre, lecteur, et tu le comprendras.