Ô trois et quatre fois malheureuse la terre
Ô trois et quatre fois malheureuse la terre
Dont le prince ne voit que par les yeux d’autrui,
N’entend que par ceux-là qui répondent pour lui,
Aveugle, sourd et muet plus que n’est une pierre !Tels sont ceux-là, Seigneur, qu’aujourd’hui l’on resserre
Oisifs dedans leur chambre, ainsi qu’en un étui,
Pour durer plus longtemps, et ne sentir l’ennui
Que sent leur pauvre peuple accablé de la guerre.Ils se paissent enfants de trompes et canons,
De fifres, de tambours, d’enseignes, gonfanons,
Et de voir leur province aux ennemis en proie.Tel était celui-là, qui du haut d’une tour,
Regardant ondoyer la flamme tout autour,
Pour se donner plaisir chantait le feu de Troie.
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Joachim DU BELLAY
Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou, et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la « Pléiade », groupe de poètes auquel Du Bellay donna son manifeste, « la Défense et illustration de la langue... [Lire la suite]
- Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau...
- Ces cheveux d’or sont les liens Madame
- La nuit m’est courte, et le jour trop me...
- Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
- D'un vanneur de blé aux vents
- Déjà la nuit en son parc amassait
- Ces cheveux d’or, ce front de marbre
- Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon...
- France, mère des arts, des armes et des lois
- J'aime la liberté, et languis en service
- Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
- Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine
- De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle
- Je ne suis pas de ceux qui robent la louange
- Je ne découvre ici les mystères sacrés
- Doulcin, quand quelquefois je vois ces...
- Plus riche assez que ne se montrait celle
- En mille crespillons les cheveux se friser
- Comme un qui veut curer quelque cloaque...
- Si onques de pitié ton âme fut atteinte
- Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau... (14)
- Comme jadis l'ame de l'univers (9)
- Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome (7)
- Encore que l'on eût heureusement compris (7)
- Astres cruels, et vous dieux inhumains (7)
- Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon... (6)
- Celle qui de son chef les étoiles passait (6)
- C'était ores, c'était qu'à moi je devais... (6)
- Sire, celui qui est a formé toute essence (5)
- Ô beaux cheveux d'argent mignonnement retors (5)
Combien serait heureuse et paisible la Terre
Si chacun désirait songer au bien d'autrui,
Si chacun produisait la joie autour de lui,
Et si nul ne croyait que son coeur fût de pierre !
Aujourd'hui, çà et là, de furieux adversaires
Du matin jusqu'au soir s'affrontent à grand bruit,
Et rêvent de combats tout au long de la nuit,
Aujourd'hui brûle encore une flamme de guerre.
Mais un jour se taira l'aboiement du canon.
Sol que du sang humain, hélas, nous profanons,
Plus personne demain ne te le fera boire.
La ruine de Babel redeviendra la tour,
Avec des feux de joie allumés tout autour ;
Et nous dirons : "La paix, telle est notre victoire".
Le roi Nemrod
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Nemrod, un grand chasseur, un seigneur sur la terre,
Prenait, en premier lieu,du gibier pour autrui,
Puis, s’il y en avait, le reste était pour lui ;
Il allumait son feu entre trois lourdes pierres.
Il était comme l’aigle aux généreuses serres
Quand il capture un lièvre et qu’il s’en va, sans bruit,
L’offrir à ses enfants ; car cet aigle est conduit
Au cours de ses actions, par son coeur débonnaire..
Nemrod jamais ne fit résonner les canons
Et jamais n’arbora d’orgueilleux gonfanon,
Ce roi se contentait de ses modestes proies.
Le soir, il s’asseyait tout en haut d’une tour,
Composant des sonnets sur le monde alentour,
Un barde nous l’enseigne, il convient qu’on le croie.
Roi du nuage de grêle
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Ce grand roi nébuleux ne vit pas sur la terre ;
Il n’aime point la grêle, il en fait pour autrui,
Car il n’en a jamais aucun besoin pour lui ;
Il lance les grêlons, comme de lourdes pierres.
C’est la terreur de l’aigle aux effrayantes serres,
C’est de la destruction, c’est un horrible bruit,
Maudit soit ce monarque, un démon le conduit,
Et le roi de l’averse est bien plus débonnaire.
Quelques-uns ont voulu l’attaquer au canon
Mais sans même froisser son obscur gonfanon ;
Ce roi, sans rémission, s’acharne sur ses proies.
Montons, pour l’observer, au sommet d’une tour,
Voyons-le dévaster la campagne alentour
Et prions Jupiter afin qu’il le foudroie.
Dans une tour de Londres
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Nous fûmes condamnés par le roi d’Angleterre
À vivre dans ces lieux où nul astre ne luit ;
Peut-être a-t-il pensé qu’on se moquait de lui,
Ce monarque absolu, cet homme au coeur de pierre.
On nous donne du vin pour son anniversaire,
Mais à la condition de ne faire aucun bruit ;
Parfois bien, parfois mal le gardien se conduit,
Toujours très attentif, rarement débonnaire.
Que faire de la tour, la détruire au canon ?
Je connais un taulard qui ne dirait pas non,
Lui qui faisait partie des hommes qui guerroient.
Le vent d’hiver se lève et fait vibrer la tour,
Il arrache des toits dans la ville, alentour,
Des tuiles de la tour il ne fait point sa proie.