Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.Vois quel orgueil, quelle ruine : et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois,
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s’enfuit,Reste de Rome. O mondaine inconstance !
Ce qui est ferme, est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.
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Joachim DU BELLAY
Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou, et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la « Pléiade », groupe de poètes auquel Du Bellay donna son manifeste, « la Défense et illustration de la langue... [Lire la suite]
- Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau...
- Ces cheveux d’or sont les liens Madame
- La nuit m’est courte, et le jour trop me...
- Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
- D'un vanneur de blé aux vents
- Déjà la nuit en son parc amassait
- Ces cheveux d’or, ce front de marbre
- Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon...
- France, mère des arts, des armes et des lois
- J'aime la liberté, et languis en service
- Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
- Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine
- De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle
- Je ne suis pas de ceux qui robent la louange
- Je ne découvre ici les mystères sacrés
- Doulcin, quand quelquefois je vois ces...
- Plus riche assez que ne se montrait celle
- Comme un qui veut curer quelque cloaque...
- Si onques de pitié ton âme fut atteinte
- En mille crespillons les cheveux se friser
- Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau... (14)
- Comme jadis l'ame de l'univers (9)
- Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome (7)
- Encore que l'on eût heureusement compris (7)
- Astres cruels, et vous dieux inhumains (7)
- Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon... (6)
- Celle qui de son chef les étoiles passait (6)
- C'était ores, c'était qu'à moi je devais... (6)
- Sire, celui qui est a formé toute essence (5)
- Ô beaux cheveux d'argent mignonnement retors (5)
On peut voir ici toute l'affection que portait Joachim Du Bellay à Rome ...
Quel est l'intérêt de ce sonnet ???
"L'intérêt de ce sonnet", demande Nada ?
Il est multiforme !
Ce poème est une réflexion saisissante sur la fuite du temps, une méditation sur le déclin des civilisations.
Il repose sur toute une série d'oppositions, qui font saisir la vanité des grandeurs temporelles.
Qui n'a pas été déjà saisi, au cours de ses voyages, devant les ruines du forum romain et celles de la Rome antique, qui parsèment le territoire de l'Orient et de l'Occident ?
Le premier vers met justement en scène l'étonnement du "nouveau venu" qu'est Du Bellay lors de son arrivée à Rome : nouveau venu, il l'est à un double titre car c'est la première fois qu'il découvre la Rome géographique et il provient en outre d'un pays dont la civilisation est encore toute jeune en regard de celle de Rome ; cependant, cette rencontre inattendue (Du Bellay est allé à Rome pour servir de secrétaire à son oncle cardinal) couronne une longue fréquentation : Du Bellay est pétri de culture classique, grecque et romaine. Il connaît donc déjà Rome, mais seulement par les livres, cette culture livresque lui a donné une image de Rome, "ville de culture". Or cette image est brusquement confrontée à la réalité : le contraste est saisissant, total entre ce qu'il a imaginé à partir de ses lectures (les poètes et historiens romains) et la réalité qu'il a sous les yeux : la Rome fantasmée, Rome, la maîtresse du monde, n'est plus : Rome n'est plus que ruine ("ces vieux arcs, ces vieux murs"...).
La belle affaire, direz-vous : on le savait depuis longtemps…
Oui, mais l'enjeu n'est pas là : ce constat amer, désabusé se transforme en méditation pré-baroque sur la fuite du temps. Par le style, Du Bellay érige un "tombeau poétique" à cette Rome défunte.
Il commence par trouver une explication à l'état de cette ville en ruine qu'il a sous les yeux : c'est "l'orgueil" qui a perdu Rome.
Rome, qui a conquis le monde, s'est elle-même détruite au cours des guerres civiles, car elle seule était capable de se détruire, elle seule avait prise sur elle-même :
"Celle qui mit le monde sous ses lois… Se dompta quelquefois"
Seule Rome pouvait vaincre Rome ; ce constat explique la répétition expressive du mot Rome :
"Et Rome Rome a vaincu seulement"
Cette répétition est l'écho de celle qu'on trouve aux deux premiers vers et qui opposait à la Rome imaginée - la Rome de l'Histoire - la Rome géographique réduite à l'état de ruine : "qui cherches Rome en Rome/ Et rien de Rome en Rome n'aperçois".
Soudain le regard du poète s'élève et la réflexion s'approfondit : après avoir opposé la Rome géographique, la Rome déchue à la Rome des livres, celle qui nous a légué son héritage et sa civilisation, il s'interroge : au fond, laquelle est la plus "réelle" des deux ? Il est peut-être en train de chercher Rome là où elle n'est pas.
La portée et le sens de la comparaison engagée au début du poème entre la Rome géographique et celle du souvenir se renverse soudain : s'il n'y a plus à Rome de monuments qui soient dignes de Rome, c'est bien le signe que désormais "Rome de Rome est le seul monument" : c'est bel et bien la Rome "éternelle", la ville de culture et non la ville de pierre qui subsiste et nous émeut ; celle-là seule a survécu, elle seule témoigne de ce que fut vraiment Rome : ce qui nous reste de Rome, c'est son héritage et cet héritage seul assure sa survie : il est donc inutile de s'attarder sur les restes de Rome pour voir s'ils "bougent" encore.
A Rome, circulez : il n'y a plus rien à voir. Rome est désormais partout où l'on cultive son immense souvenir.
Du coup, la méditation sur le sort de Rome s'apaise et se transforme en méditation sur la fuite du temps.
Car au-delà des responsabilités qu'on peut trouver à la chute et à la ruine de Rome, le vrai vainqueur, c'est le temps, le temps qui triomphe de tout : c'est du temps que Rome en ruine signe, en creux, la victoire :
"[Rome] devint proie au temps, qui tout consomme"
S'ouvre alors une saisissante image : l'image même de la fuite du temps, de l'inconstance et de l'inconsistance de toute chose - le fleuve qu'est le Tibre - devient l'image de la permanence à travers les siècles, tandis que les monuments qui faisaient la gloire de Rome (le Colisée, le Panthéon, les temples des dieux…), qui étaient faits pour défier les siècles et le temps sont, eux, réduits en poussière.
Cette très belle image de "l'inconstance mondaine" - c'est-à-dire de la fragilité du monde - clôt le sonnet et lui donne une résonance philosophique, voire métaphysique : "Tout passe", certes, et nous avec - mais la culture gréco-romaine défie, elle, victorieusement les siècles.
... la culture gréco-romaine défie, elle, victorieusement les siècles : peut-être est-ce cela, le fleuve qui coule sans s'arrêter à travers le temps ?
Monument bizarre
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Ce monument est-il celui d’un homme
Ou d’un démon, ou d’un je ne sais quoi ?
Car aucun mot ni date ne s’y voit,
Un mort est là, qui dort sans qu’on le nomme.
De leurs discours les morts sont économes,
Depuis toujours, le silence est leur loi ;
Les questionner, ça se fait, quelquefois,
Mais c’est ardu d’interrompre leur somme.
Sur un défunt, faut-il faire un roman ?
Se taire est mieux, tel est mon sentiment,
Laisser le corps retourner à la nuit.
Ne craignons pas la froide impermanence,
Car le trépas nous sauve de l’ennui ;
Des vains désirs, des vaines souvenances.
Monument barbare
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Cette arche métropolitaine
N’est point la Porte d’Aquitaine,
Mais un monument des Barbares
Pour honorer leurs capitaines.
comment met il en valeur la fuite du temps?