Nous nous sommes assises
Ma douce, nous étions comme deux exilées,
Et nous portions en nous nos âmes désolées.L’air de l’aurore était plus lancinant qu’un mal…
Nul ne savait parler le langage natal…Alors que nous errions parmi les étrangères,
Les odeurs du matin ne semblaient plus légères.…Lorsque tu te levas sur moi, tel un espoir,
Ta robe triste était de la couleur du soir.Voyant tomber la nuit, nous nous sommes assises,
Pour sentir la fraîcheur amical des bises.Puisque nous n’étions plus seules dans l’univers,
Nous goûtions avec plus de langueur les beaux vers.Chère, nous hésitions, sans oser croire encore,
Et je te dis : « Le soir est plus beau que l’aurore. »Tu me donnas ton front, tu me donnas tes mains,
Et je ne craignis plus les mauvais lendemains.Les couleurs éteignaient leurs splendide insolence ;
Nulle voix ne venait troubler notre silence…J’oubliai les maisons et leur mauvais accueil…
Le couchant empourprait mes vêtements de deuil.Et je te dis, fermant tes paupières mi-closes :
« Les violettes sont plus belles que les roses. »Les ténèbres gagnaient l’horizon, flot à flot…
Ce fut autour de nous l’harmonieux sanglot…Une langueur noyait la cité forte et rude,
Nous savourions ainsi l’heure en sa plénitude.La mort lente effaçait la lumière et le bruit…
Je connus le visage auguste de la nuit.Et tu laissas glisser à tes pieds nus tes voiles…
Ton corps m’apparut, plus noble sous les étoiles.C’était l’apaisement, le repos, le retour…
Et je te dis : « Voici le comble de l’amour… »Jadis, portant en nous nos âmes désolées,
Ma Douce, nous étions comme deux exilées…
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Renée VIVIEN
Renée Vivien, née Pauline Mary Tarn le 11 juin 1877 à Londres et morte le 18 novembre 1909 à Paris, surnommée « Sapho 1900 », est une poétesse britannique de langue française du courant parnassien de la Belle Époque. Renée Vivien était la fille d’une mère américaine et d’un père britannique fortuné qui mourut en 1886,... [Lire la suite]
Un très joli poème comme seule savait l'écrire cette si grande poétesse.