Mon Cheval
Je hélais un cocher de fiacre
Moi, paria,
Mais lui, sans nul vain simulacre,
M’injuria.Pâle, évoquant la catastrophe
Et les tourments,
Il écumait comme une strophe
Des Châtiments.Il criait: Tonnerre et massacre!
Zut! Holà là!
Monsieur veut monter dans mon fiacre!
Est-il Zola?Est-il Rothschild? Est-il en nacre?
Oh! ces rimeurs!
Il prétend monter dans mon fiacre,
Tenez, j’en meurs.Tel, ce cocher plein de chimères,
En son émoi,
Épanchait en notes amères
Sa bile. Et moi,Las, rêvant d’être solitaire
Sur un divan,
Prêt à m’enfoncer dans la terre
Comme don Juan,J’admirais dans les rayons fauves
Les vains rébus
Que mimaient les conducteurs chauves
Des omnibus.Mais dans la foule sacrilège
Passait par là
Un cheval blanc comme la neige,
Qui me parla.Et c’était le divin Pégase,
Agile et sûr.
Il ouvrait ses ailes de gaze
Jusqu’à l’azur.Oh! dit-il, toi qui tiens Golconde
En tes écrins,
Dédaigne leur vaine faconde.
Saisis mes crins!Viens, monte! et sous le bénévole
Ciel estival,
Je leur montrerai comme on vole,
Moi, ton cheval.Je suis fidèle comme Thècle
En mes amours.
Tu peux me prendre à l’heure, au siècle,
Même, à toujours.Nous pourrons errer, groupe blême
Aux yeux ardents,
Tout autour de la Tour, et même
Grimper dedans.Et de là, par des élans brusques
Et factieux,
Bondir effroyablement jusques
Au fond des cieux.Et tirer, au fond des sublimes
Gouffres vermeils,
Un feu d’artifice de rimes
Pour les soleils!28 mai 1889.
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Théodore de BANVILLE
Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du... [Lire la suite]
Cheval qui plane
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Pégase, toujours jeune, aime encore voler
Et plonger vers le sol près des volcans qui fument.
Le brise boréale ébouriffe ses plumes ;
Il contemple d’en haut les jardins bariolés.
Il traverse les mers tout droit, sans s’affoler ;
Il conserve son cap au milieu de la brume.
Tout au long d’une nuit son ardeur se consume ,
Puis un nouveau soleil s’en vient l’auréoler.
Pégase, emporte-nous vers la lointaine étoile
Que les gens de Bayeux ont brodée sur leur toile
En un trait aussi fin que celui d’un pinceau !
Nous danserons au ciel (ou ce seront nos ombres)
Comme, dans un jardin, d’aimables jouvenceaux ;
Plus rien dans notre coeur ne se montrera sombre.